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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/530

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APPENDICE.

pire[1]. Abd-Allah arriva de Tripoli en l’an 197[2] et Zîadet-Allah se rendit au-devant de lui pour le saluer comme son souverain. L’historien ajoute que, pendant son règne, Abd-Allah traita son frère Zîadet-Allah avec beaucoup de dureté et de mépris, allant même jusqu’à faire mettre en liberté les personnes que ce prince retenait en prison. Malgré ces mauvais procédés, dit notre auteur, Zîadet-Allah ne cessa de lui témoigner le plus grand respect. Abd-Allah se disposait ensuite à commettre un acte d’injustice inouïe envers ses sujets, mais Dieu le fit mourir avant l’exécution de son projet : il avait ordonné au directeur des impôts (Saheb-el-Kharadj) de ne plus recevoir la dîme en nature, mais d’imposer un droit annuel de huit dinars sur chaque paire de bœufs employés à la culture des terres, que les récoltes fussent bonnes ou mauvaises[3]. Cet impôt devint tellement onéreux que le peuple lui adressa des remontrances, mais il ne put se faire écouter. Les choses étaient encore en cet état, quand Hafs-Ibn-Homeid-el-Djézeri arriva avec une bande de saints personnages venant de la presqu’île [de Cherîk] et d’autres lieux. Ils obtinrent la permission de se présenter devant le prince, qui était un des plus beaux hommes du siècle, et Hafs lui tint un discours dans lequel il lui dit, entre autres choses : « Crains Dieu, ô émir ! à cause de ta jeunesse ; aie pitié de ta beauté et évites à ton corps le feu de l’enfer ! Tu as imposé huit dinars sur chaque paire de bœufs employés au labourage ; délivre tes sujets de cet impôt et gouverne-les selon le Livre de Dieu et les traditions du Prophète. Pense que ce monde passera pour toi comme il a passé

  1. En agissant ainsi, Zîadet-Allah obéissait aux dernières injonctions de son père. — (Ibn-Khaldoun ; Ibn-el-Athîr.)
  2. Dans le mois de Safer, ajoute Ibn-Khaldoun. Ainsi, Abd-Allah entra à Cairouan dans le mois d’octobre ou de novembre, 812 de J.-C.
  3. Selon Ibn-el-Athîr, Abou-’l-Abbas fit prélever sur chaque feddan de terre cultivée dans ses états un impôt de dix-huit dinars, ce qui excita des plaintes universelles. — Le mot feddan signifie charrue, paire de bœufs, ou la quantité de terre qu’une paire de bœufs peut labourer dans une saison. En Algérie cela s’appelle maintenant zouîdja (paire, couple.)