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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/556

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APPENDICE.

le 10 du mois de Moharrem, et se rendit à Raccada où il séjourna jusqu’au 22 du mois suivant. Quand il reprit sa marche, le peuple de la province de Nefouça se rassembla dans le dessein de s’opposer à ses progrès, et, vers le milieu du mois de Rebiâ second, un combat acharné eut lieu entre les deux partis. Meimoun, l’eunuque, succomba dans cette bataille ainsi que plusieurs autres ; mais, à la fin, Ibrahîm mit l’ennemi en pleine déroute et le poursuivit, l’épée dans les reins, jusqu’au bord de la mer. Un grand nombre des fuyards se jetèrent à l’eau pour se sauver, mais on les y tua tous jusqu’au dernier, de sorte que les flots furent teints de leur sang. A ce spectacle, Ibrahîm s’écria : « Oh ! si cette victoire avait été remportée sur les ennemis de Dieu, quel honneur cela me ferait ! » A ces paroles, un de ses officiers lui dit de faire venir un des cheikhs nefoucites et de l’interroger sur sa croyance religieuse, puisque, de cette manière, on verrait qu’effectivement ce carnage était un service rendu à la cause de Dieu. Le prince se fit amener quelques-uns de leurs docteurs et leur demanda ce qu’ils pensaient d’Ali, fils d’Abou-Taleb ? A quoi ils répondirent : « Ali était infidèle ; il se trouve maintenant dans le feu de l’enfer, et quiconque refuse de le déclarer un infidèle, encourra la même punition ! »[1] — « Est-ce là l’opinion de tout votre peuple ? » leur demanda Ibrahîm, et, sur leur réponse affirmative, il déclara que ce serait maintenant un bonheur pour lui que de les faire mourir. S’étant alors assis sur son trône, il se fit amener un des prisonniers et lui ayant fait couper le justaucorps à la hauteur des épaules, il le frappa au cœur avec un javelot qu’il tenait à la main, et avant de s’arrêter, il en tua cinq cents de la même manière. Ayant fini avec les Nefouça, il poursuivit sa marche jusqu’à Tripoli où il fit mourir et mettre en croix le gouverneur de cette ville, Mohammed, fils de Zîadet-Allah, dont le savoir et l’esprit cultivé avaient excité sa jalousie dès le temps de sa jeunesse. De Tripoli, il s’avança jusqu’à Aïn-Taurgha où plus de la moitié de ses troupes l’aban-

  1. On voit par cette réponse que le cheikh appartenait à la secte des Kharedjites.