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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/561

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EN-NOWEIRI.

§ XLIX. — LES VERTUS D’IBRAHÎM.

Envers ses sujets il était le plus équitable des princes ; jamais il ne repoussa un plaignant qui demandait justice, et tous les vendredis, après la prière, il tenait une séance à laquelle tous les opprimés étaient invités, par proclamation, à se rendre. Il arriva souvent que personne ne se présenta à ces audiences, tant était grand le respect qu’on montrait pour les droits d’autrui. Il accabla du poids de sa sévérité les puissants et les riches : « Il n’est permis à personne, disait-il, excepté au prince, de mal faire ; et si on laisse croire à ces gens-là que leurs richesses peuvent leur servir de protection, tout le monde serait exposé à leur méchanceté et à leur violence. Si le souverain les épargne, cette indulgence les porte à lui résister et à conspirer contre lui. Quand aux sujets, ils sont le soutien de l’empire, et si l’on permet aux grands de les opprimer, le prince en a tous les désavantages et d’autres en retirent tout le profit. »

Pendant qu’il se tenait un jour dans la tribune (macsoura) de la mosquée de Raccada, deux hommes de Cairouan se présentèrent devant lui et lui exposèrent qu’ils s’étaient associés avec la Cîda (maîtresse), nom par lequel ils désignaient la mère d’Ibrahîm, pour faire le commerce de chameaux et d’autres objets, et qu’elle leur avait retenu six cents dinars qui leur revenaient de droit. Il dépêcha aussitôt un eunuque chez sa mère pour lui faire part de cette plainte. Elle reconnut la dette, tout en s’excusant d’avoir retenu l’argent : « Il me restait, disait-elle, un compte à régler avec eux et, comme ils sont mes débiteurs, je garde cette somme en attendant la liquidation. » Ibrahîm envoya alors l’eunuque lui déclarer que si elle ne leur rendait pas l’argent, il les renverrait tous les trois devant (le cadi) Eïça-Ibn-Miskîn. Elle lui fit tenir la somme sur-le-champ, et il la remit aux plaignants en disant : « J’ai rempli mon devoir en vous rendant justice ; maintenant, allez régler vos comptes avec la Cîda ou bien vous aurez affaire à moi. » Quand il avait la certitude qu’un membre de sa famille s’était rendu coupable d’une injustice, il le punissait