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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/562

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APPENDICE.

avec la plus grande sévérité. Son fils et ses officiers faisaient parcourir les rues et les caravansérails, tous les jeudis, par leurs esclaves et domestiques, afin de découvrir s’il y avait quelqu’un qui eût à se plaindre d’un acte d’oppression ; aussitôt, ils l’amenaient chez ce prince ou bien chez un autre membre de la famille, afin que justice fût faite.

§ L. — LES CRIMES D’IBRAHÎM.

Il répandait à grands flots le sang de ses compagnons et de ses chambellans. Une de ses concubines laissa tomber un mouchoir dont il se servait pour s’essuyer la bouche après avoir bu du nebîd (vin) ; quelque temps après, il le vit entre les mains d’un eunuque et, pour ce seul motif, il fit mettre à mort ce malheureux avec trois cents de ses camarades. Ce fut vraiment là le comble de la tyrannie et de l’injustice. Sur un simple soupçon, il fit décapiter son fils, Abou-’l-Aghleb ; et il traita de la même manière huit de ses propres frères qui étaient à son service. L’un d’entre eux avait beaucoup d’embonpoint et demandait grâce, mais Ibrahîm répondit qu’il ne pouvait faire une exception en sa faveur. Plus tard, il fit mourir ses propres filles et se porta à des méfaits tels qu’aucun prince ni émir n’en avaient jamais commis avant lui. Toutes les fois qu’une de ses concubines accouchait d’une fille, la mère d’Ibrahîm prenait soin de l’enfant à l’insçu du père ; elle en avait déjà élevé seize, quand, un jour, en le voyant de bonne humeur, elle lui dit : « Seigneur ! je désire vous montrer quelques jolies esclaves que j’ai élevées pour vous. » — « Voyons, dit-il, faites-les venir. » Comme il les trouva belles, sa mère lui fit observer que l’une était sa propre fille par telle d’entre ses concubines, et l’autre sa fille par telle autre, les désignant toutes successivement. Il sortit quelque temps après et dit à un esclave nègre appelé Meimoun, qui lui servait de bourreau : « Va et apporte-moi les têtes de ces jeunes filles. » A cet ordre, l’esclave fut pénétré d’horreur, et son maître, voyant son hésitation, éclata en injures contre lui et le menaça de l’envoyer dans l’autre monde avant elles. Il alla donc