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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 3.djvu/183

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Pendant l’espace de vingt ans, Mohammed-Ibn-Thabet exerça une autorité absolue à Tripoli, et l'influence de l'empire hafside ne s’y fit plus sentir. Pour dissimuler toute la grandeur de son pouvoir, il s’adonnait au commerce et s’habillait comme un simple négociant ; il allait à pied dans les rues, il rapportait lui-même à la maison les provisions et autres objets dont il avait besoin, et, pour mieux cacher son ambition, il traita les gens du peuple avec beaucoup de familiarité et de condescendance. Ayant obtenu du sultan de Tunis un agent pour administrer la ville, il laissa ce fonctionnaire exercer, en apparence, le droit de commander, de changer et de réformer.

Quand les merînides, sous les ordres de leur sultan Abou-’l-Hacen, eurent subjugué l’Ifrîkïa et occupé Tunis, Mohammed-Ibn-Tbabet reconnut l’autorité du vainqueur tout en conservant la sienne. Pour mettre en sûreté les richesses qu’il avait amassées, il les fit transporter à Alexandrie, mais, peu de temps après, il fut tué près de sa maison par quelques membres de la tribu de Medjrîs. Ses amis et ses partisans massacrèrent les assassins.

Thabet-lbn-Mohammed, son fils et successeur, adopta l’habillement, la parure et l’équipage d’un souverain : il se donna des chambellans et des courtisans, et continua à jouir des pompes mondaines jusqu’à la prise de sa ville par les chrétiens.

Plusieurs navires appartenant à des négociants européens se rassemblèrent dans le port de Tripoli, sans que personne y fît attention, vu le grand mouvement commercial qui y régnait et la fréquence des arrivages et des départs. Pendant la nuit, les chrétiens pénétrèrent dans la ville et, étant très nombreux, ils obligèrent la garnison à mettre bas les armes. Thabet-Ibn-Mohammed s’enfuit chez les Aulad-Morghem, émirs de la tribu des Djouari, population établie dans les environs de la ville, mais il fut mis à mort par ces chefs, ainsi que son frère Aramari parce qu’il avait versé du sang djouarien pendant son administration. Il avait régné six ans. Les chrétiens chargèrent leurs navires de toutes les richesses, effets et meubles dont ils purent s’emparer ; ils embarquèrent aussi la garnison qu’ils avaient faite prisonnière, ainsi qu’un grand nombre de femmes qu’ils