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218 PROLÉGOMÈNES

jours1, et qu'une personne lui apparut et lui dit : « Je suis ta nature parfaite. » Ayant interrogé ce fantôme, il obtint les renseignements qu'il cherchait. Moi-même, j'ai employé ces mots, et un spectacle étonnant me fit connaître certaines choses que je désirais savoir et qui m'intéressaient personnellement. Mais tout cela ne prouve pas qu'on puisse avoir une vision à volonté; ces charmes ne font que disposer l'âme à la vision spirituelle. Si la disposition est bien prononcée, on peut atteindre la connaissance qu'on cherche; mais on a beau travailler à fortifier cette disposition, jamais on ne pourra être assuré d'obtenir le résultat pour lequel on s'est donné cette peine. Le pouvoir de se disposer à recevoir une chose est tout autre que le pouvoir d'obtenir cette chose. Que le lecteur sache cela; qu'il tâche de le bien comprendre, ainsi que les (autres principes) semblables qu'il rencontrera. Dieu est l'être sage qui sait tout!

Dans l'espèce humaine se trouvent des personnes qui annoncent les événements futurs. Cette faculté, qu'elles tiennent de leur nature particulière, sert à les distinguer des autres hommes. Pour arriver à l'exercice de leur talent, elles n'ont besoin d'employer ni des secours artificiels, ni l'influence des astres, ni aucun autre moyen. Nous avons reconnu que leur puissance perceptive dépend entièrement d'une certaine aptitude qui leur est innée. II en est de même à l'égard des sachants2 et de ceux qui regardent dans les corps réfléchissants (litt. diaphanes), tels que les miroirs et les cuvettes remplies d'eau. On peut ranger aussi dans cette catégorie les aruspices, gens qui inspectent les cœurs, les foies et les os des animaux; les augures, qui observent les signes fournis par les oiseaux et les bêtes sauvages; les jeteurs, gens qui, pour deviner, jettent par terre des cailloux, des grains de blé ou des noyaux. Il est incontestable que ces facultés existent parmi les hommes; personne ne saurait le nier. Ajoutons à P. 192. cette liste les possédés, gens dont la bouche prononce des paroles qu'un être du monde invisible y a mises et qui servent de ren-

' Littéral. « après une rîada de plusieurs nuits dans la nourriture. » ' Voyez ci-devant, p. 196, note 2, et ci-après, p. 223.