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D'IIÎN KHALDOUN. 315

pays, ne pouvant plus se soutenir, ne tarde pas à tomber et à s'a- P. 275. néantir. Cela arrive toujours chez les peuples abandonnés à eux- mêmes. Toutes les causes que nous venons d'indiquer éloignent l'es- prit arabe des soins qu'exige l'administration d'un Etat. Pour les décider à s'en occuper, il faut que l'influence de la religion change leur caraclère et fasse disparaître leur insouciance. Ayant alors dans leurs cœurs un sentiment qui les contrôle, ils travaillent à main- tenir leurs sujets dans l'ordre , en les contenant les uns par les autres. Voyez-les à l'époque où ils fondèrent un empire sous l'in- fluence de l'islamisme : se conformant aux prescriptions de la loi divine, ils s'adonnèrent aux soins du gouvernement et mirent en œuvre tous les moyens physiques et moraux qui pouvaient aider au progrès de la civilisation. Comme les (premiers) khalifes suivirent le même système, l'empire des Arabes acquit une puissance immense. Rostem \ ayant^ vu les soldats musulmans se rassembler pour faire la prière, s'écria : ' Voilà Omar qui me met au désespoir^; il enseigne aux chiens la civilisation! »

Plus tard, quelques tribus se détachèrent de l'empire, rejetèrent la vraie rehgion et négligèrent l'art du gouvernement; rentrées dans leurs déserts, elles y demeurèrent si longtemps insoumises qu'elles oublièrent comment on fait régner la justice parmi les hommes et ne se rappelèrent plus que leurs aïeux avaient soutenu la cause de l'em- pire. Devenues aussi sauvages qu'auparavant, à peine se rappelèrent- elles la signification du mot empire; elles savaient, tout au plus, que le khalife en était ie chef, et qu'il appartenait à la même race qu'elles. Lorsque les dernières traces de la puissance des khalifes eurent dis- paru", le pouvoir échappa aux mains des Arabes et passa entre celles d'une race étrangère. Depuis lors, ils sont restés dans leurs déserts, sans avoir la moindre idée de ce qu'eS't un royaume ou une adminis- tration politique ; la plupart d'entre eux ne savent même pas que leurs

' Le général qui commandait l'armée ' Littéral, «qui me mange le foie.»

persane à la bataille de Cadecija. " Pour Li^f. , lisez L^L

' A la place de U, les mss. portent iJt.

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