Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/74

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LXVI

��PROLÉGOMÈNES

��de Grenade. Au moment où il s'embarquait pour Ceuta, je l'avais prié de m' envoyer mes enfants et les gens de ma famille. Lorsqu'il fut arrivé à la capitale de l'empire mérinide, il parla aux ministres à ce su- jet; mais ils n'y voulurent pas consentir, craignant que, si je restais en Espagne, je ne portasse le sultan Ibn el-Ahmer à favoriser les en- treprises de l'émir Abd er-Rahraan, dont ils me croyaient l'émissaire. Ils firent même inviter le souverain espagnol à me livrer entre leurs mains, et, sur son refus, ils demandèrent que je fusse débarqué sur la côte de la province de Tlemcen. Ils lui donnèrent aussi à entendre que j'avais essayé de faire évader Ibn el-Khatîb, qu'ils retenaient pri- sonnier depuis la prise de la Ville-Neuve. Il est vrai que j'avais solli- cité en sa faveur les personnages les plus élevés de l'Etat, et employé pour le sauver l'intervention de Ouenzemmar et d'Ibn Maçaï; mais ces démarches n'avaient eu aucun résultat ^ Le sultan était déjà indis- posé contre moi quand Ibn Maçaï vint à Grenade, et, lorsque celui-ci lui eut fait connaître ma conduite dans l'affaire d'Ibn el-Khatîb, il me prit en aversion, et, selon le vœu de mes ennemis, il me fit débar- quer à Honeïn sur la côte africaine.

J'ai déjà raconté comment j'avais poussé les Arabes de la province de Zab à combattre Abou Hammou, sultan de Tlemcen; aussi ce prince vit de très-mauvais œil ma présence dans une ville de ses Etats. Il consentit cependant à m' appeler dans sa capitale, grâce à l'in- tervention de Mohammed Ibn Arîf, qui était venu remplir une mis-

��' Quand Ibn el-Rhatîb abandonna le service d'Ibn el-Ahmer pour passer en Afrique, on fit accroire à ce prince que son ancien vizir s'y était rendu dans l'in- tention de pousser le sultan mérinide Abd el-Azjz à entreprendre une expédition con- tre le royaume de Grenade. Plus tard, le sultan Abou '1-Abbas ordonna l'arresta- tion d'Ibn el-Khatîb, sur la demande du monarque espagnol, et Ibn Zemrek, vizir de celui-ci, se rendit à Fez pour exiger la punition du transfuge. A cet effet, une

��commission fut nommée et Ibn el-Khatîb dut comparaître devant elle. Pour colorer l'irrégularité de la procédure, on accusa le prisonnier d'avoir inséré dans ses écrits des propositions malsonnantes ; on tâcha alors, par l'emploi de la torture, de lui arracher l'aveu du crime dont on l'accu- sait; puis on le renvoya en prison, où So- leïman Ibn Dawoud , vizir du sultan de Fez , le fit assassiner. (On peut voir les détails de cette triste affaire dans YHistoire des Berbers, t. IV, p. Ai i-)

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