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102 PROLÉGOMÈNES

(comment leur fortune s'écroula) quand l'Espagne se partagea' en plusieurs souverainetés indépendantes. Voyez encore ce qui se passe dans l'empire sous lequel nous vivons. Telle est la voie de Dieu; et ta ne trouveras aucun moyen de changer la voie de Dieu. [Coran, sour. xxxiii, vers. 62.)

Il y a beaucoup de fonctionnaires publics qui, prévoyant ce dan- ger, voudraient abandonner leurs emplois et se soustraire à l'autorité du sultan, afin de se réfugier dans quelque autre pays, avec les ri- chesses qu'ils ont amassées au service du gouvernement. Ils s'imaginent qu'ils pourraient y jouir plus tranquillement de leur argent et le dé- penser avec moins de risque que chez eux. C'est là une grave méprise, qui serait aussi nuisible à leur fortune qu'à eux-mêmes. On sait d'a- bord combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'aban- donner une haute position une fois que l'on s'y est établi. Si c'est un roi qui forme ce projet, ses sujets y mettront obstacle, ainsi que ses P. 90. rivaux, les chefs de partis, et il ne pourra pas se dérober à leur sur- veillance, même pour un seul instant. Que dis-je. Aussitôt qu'il aurait laissé paraître une telle intention, il perdrait le trône et la vie, ainsi que cela arrive ordinairement dans des cas semblables. Il est bien dif- ficile de déposer le fardeau de la souveraineté, surtout quand l'em- pire, après avoir traversé sa période d'agrandissement, voit rétrécir ses limites, et que les habitudes du vice ont étouffé, dans tous les cœurs, les sentiments d'honneur et de vertu. Si c'est un homme de la cour, un serviteur du prince, un grand fonctionnaire de l'Etat qui forme ce projet, il ne pourra guère l'exécuter : les rois regardent leurs serviteurs, les gens de leur suite et jusqu'à leurs sujets comme des esclaves qui leur appartiennent; ils guettent leurs pensées et ne leur permettent pas de se dégager des liens qui les attachent au service, de peur qu'ils ne dévoilent aux étrangers les secrets du gouvernement et l'état de l'empire; ils les empêchent, par jalousie, de passer au service d'un autre souverain.

��Pour AJXiff, lisez [AiXèl.

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