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122 PROLEGOMENES

il faut qu'il y ait un parti qui réunisse sous lui tous les autres partis et qui les entraîne à sa suite. Ce parti est celui du chef de l'Etat; il lui appartient spécialement, et se compose des parents du prince et des membres de" cette fraction de tribu dont il fait partie.

Le gouvernement prend ensuite le caractère et les attributs • de la royauté; le luxe s'y introduit, et le souverain, se voyant obligé d'hu- milier l'orgueil '^ des chefs de parti, commence par ses propres pa- rents, par ceux qui tiennent une haute place dans sa famille et qui partagent avec lui les honneurs^ de la royauté. Il sévit contre eux, et même avec plus de rigueur que contre les autres chefs. Le luxe a aussi plus de prise sur les parents du souverain que sur d'autres personnes, parce qu'ils jouissent des avantages qu'offrent la royauté , l'autorité et la domination ; ils se trouvent donc exposés à deux principes de destruc- P. 109. tion : le luxe et la puissance coercitive. Le souverain s'étant assuré le pouvoir (à leur détriment) , et sachant que leurs cœurs sont indisposés contre lui , ne se borne plus à les opprimer : il leur ôte la vie ; car la crainte de se voir enlever l'autorité a remplacé dans son cœur la jalousie qu'il leur portait jusqu'alors. Il les fait mourir, ou bien il les abreuve d'humiliations et les prive des jouissances et du bien-être auxquels ils avaient commencé à s'accoutumer. La ruine et la mort de ces chefs nuisent à la force de leur parti, qui est aussi celui du souverain. Ce parti, qui réunissait sous ses ordres tous les autres, et qui les entraî- nait à sa suite, se désorganise et perd son énergie; le chef de l'Etat s'appuie alors sur un autre, composé des intimes du palais, c'est-à- dire des clients qu'il s'est attachés par des bienfaits , et des gens qui doivent toute leur fortune à ses bontés. Mais ce parti est loin de possé- der la même énergie que l'autre, parce que les individus dont il est formé ne tiennent pas ensemble par les liens de la parenté et du sang, Dieu, avons-nous dit, ayant voulu que les liens de ce genre fussent la véritable force d'un parti. Quand le souverain s'est ainsi détaché do sa propre tribu et des gens qu'xme sympathie naturelle avait rendus

^ Littéral. « la nature. » — ^ Littéral. « de couper le nez. » — ' Littéral. « le nom. »

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