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356 PROLÉGOMÈNES

teintes; car les actions de l'homme influent nécessairement sur son caractère : si elles sont bonnes, elles laissent sur l'âme l'empreinte de l'honnêteté et de la vertu; si elles sont mauvaises et viles, elles y produisent l'effet contraire. Quand on a commis une mauvaise action et qu'on la répète ensuite plusieurs fois, cela devient une habitude enracinée, et si l'on possédait auparavant des qualités louables, ces actions les alFaiblissent par suite des mauvaises impressions qu'elles laissent sur l'âme. C'est ainsi que toutes les habitudes qui naissent de nos actions portent chacune le caractère des actions qui les ont pro- duites. Ces (mauvaises) impressions difTèrent en intensité, selon le rang plus ou moins élevé que chaque négociant occupe. Celui qui est de la classe inférieure, étant obligé d'être toujours en rapport direct P. 3o5. avec de méchantes pratiques, avec des gens habitués à tromper, à frauder, à duper et à se parjurer, qui affirment et qui nient au mé- pris de la vérité , quand il s'agit du payement des objets qu'ils ont achetés, cet homme contracte les mêmes vices qu'eux , et, se laissant dominer par l'improbité, il s'écarte de l'honneur et n'essaye plus de gagner des titres à notre estime. S'il ne se laisse pas corrompre jus- qu'à ce point, il ne peut guère empêcher les habitudes de ruse et de dispute qu'il a contractées d'influer, jusqu'à un certain point, sur ses sentiments comme homme d'honneur. En principe général, il est bien rare que ces habitudes ne produisent aucun mauvais effet. Il existe une autre classe de négociants; ce sont ceux dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, et qui, jouissant de la protection d'un homme puissant dont ils cultivent la faveur, obtiennent de lui en retour (de grands avantages). Ceux-là sont très-peu nombreux (et savent maintenir un caractère digne et honorable). Voici comment j'explique ce fait : un négociant se trouve placé tout à coup à la tête d'une grande fortune, qu'il a héritée d'un parent ou gagnée par quel- que voie extraordinaire. Ses richesses le mettent en état de se lier avec des personnages haut placés dans le gouvernement et lui pro- curent une grande réputation parmi ses compatriotes. Dès lors il dédaigne de s'occuper en personne des détails du commerce et se

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