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pirer une crainte (salutaire à ses propres troupes); car il arrive sou- vent que la crainte contribue à rendre l'âme plus hardie (en face du danger); l'âme subit des changements et des modifications vraiment extraordinaires. Dieu est le créateur; il sait tout.

Les dynasties et les souverains suivent tous des usages différents dans l'emploi de ces marques d'autorité. Les uns en ont beaucoup, les autres peu, ce qui dépend de l'étendue et de la puissance de leurs P. 44. empires. Depuis le commencement du khalifat, les drapeaux, em- blèmes essentiellement guerriers, ont été toujours employés; on con- tinue à les monter^ quand on va entreprendre une guerre ou faire une expédition. Cela se pratiquait du temps du Prophète et sous les khalifes ses successeurs. ,

Quant aux tambours et aux trompettes, les premiers musulmans ne voulaient pas s'en servir, tant ils avaient de répugnance à suivre les usages orgueilleux des autres nations; ils méprisaient ces marques de faste dont ils connaissaient toute la vanité. Mais lorsque le kha- lifat se fut changé en royauté, les khalifes recherchèrent les pompes du monde et ses plaisirs. S' étant entourés d'affranchis persans et grecs, natifs d'empires qui existaient déjà avant l'islamisme, ils se firent raconter par eux les divers usages que le faste et le luxe avaient in- troduits dans ces pays. Parmi ces usages, celui qui leur plaisait le plus fut l'emploi d'enseignes (de commandement), et, l'ayant adopté, ils permirent à leurs lieutenants d'en faire autant, afin de rehausser par là la dignité du royaume et de ses grands fonctionnaires. Ainsi , sous les Abbacides et les Fatemides, chaque gouverneur de forteresse ^ et chaque général commandant un corps d'armée recevait, au moment de quitter le palais ou sa maison pour se rendre à sa destination, un drapeau que le khalife lui avait noué de ses propres mains. 11 partait alors entouré d'un nombreux cortège, composé d'individus portant des drapeaux et d'autres emblèmes de commandement. Rien ne dis- tinguait le cortège d'un gouverneur de province de celui du khalife,

' Littéral, «à les nouer.» Le drapeau ' Ou de frontière. Le mol yij a les

s'attachait à la hampe par un nœud. deux significations.

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