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102 PROLEGOMENES

de la perccptivilé de l'intellect. De là résulterait que toute ïexistence séparable (c'est-à-dire les êtres qui se distinguent les uns des autres) dépendrait de l'existence de la perceptivité humaine. Donc, si nous supposons que cette perceptivité n'existe pas, il n'y aurait pas de dis- tinction entre les choses qui existent, et elles seraient alors comme une seule chose simple et unique; le chaud et le froid, le dur et le mou, la terre même, et l'eau et le feu, et le ciel et les étoiles, n'existeraient que par l'existence des sens faits pour les apercevoir : car la perceptivité a la faculté de reconnaître, dans les êtres, des différences qui n'y sont pas; cette faculté n'existe que dans les organes de la perception, et si ces organes, doués de la faculté de distinguer, n'existaient pas, il n'y aurait qu'une perception unique, celle du moi. Us comparent cela à ce qui se passe pendant le sommeil : quand l'homme dort, les sens extérieurs, et tout ce qu'ils aperçoivent, n'exis- tent plus, et l'homme, dans cet état, est incapahle de distinguer entre les êtres, excepté par le moyen de l'imagination (agissant dans les songes). • L'homme qui veille est, disent-ils, dans un état semblable : il ne reconnaît les différences entre tous les êtres dont il s'aperçoit P. 7a. qu'au moyen de la perceptivité humaine, et, si elle lui manquait, la différence entre eux n'existerait pas. » C'est là ce qu'ils désignent par le terme oaehm (illusion), qu'il ne faut pas confondre avec le même terme (qui signifie opinion, S6^a,) et qui fait partie de ceux qui dési- gnent les modes perceptifs de l'homme ^

Tel est le sommaire de leur doctrine, autant qu'on peut la com- prendre, d'après les indications d'Ibn Dehhac-. C'est ime doctrine bien chancelante; car nous avons la conviction intime que le pays vers lequel nous voyageons existe, bien qu'il soit hors de notre vue; nous sommes positivement certains de l'existence du ciel , déployé au-dessus de nos têtes, des étoiles et de bien d'autres choses qui sont cachées à nos regards. Puisque l'homme a réellement cette conviction, per- sonne ne doit faire violence à ses propres sentiments et se roidir contre

' Voy. la 1" partie, p. 199. — ' Variante : «Dihcan. »

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