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��PROLÉGOMÈNES

��et à ces paroles malfaisantes est attaché un mauvais esprit qui, enve- loppé de salive, sort de la bouche de l'opérateur. Plusieurs mauvais esprits en descendent alors, et le résultat en est que le magicien fait tomber sur sa victime le mal qu'il lui souhaite '.

Nous avons vu une personne qui pratiquait la magie , et qui n'avait qu'à diriger son doigt vers un habit ou une peau et marmotter quel- ques paroles, pour que cet objet se déchirât en morceaux. S'il fai- sait le même signe à des moutons dans un champ, leurs ventres cre- vaient à l'instant et les intestins tombaient par terre. On m'a raconté qu'il y a maintenant dans l'Inde des gens qui n'ont qu'à désigner un homme avec le doigt pour lui enlever le cœur; cet homme tombe mort, on ouvre le corps pour y chercher le cœur; mais il a disparu. Ils font le même geste en regardant une grenade; on ouvre ensuite le fruit et l'on n'y trouve pas un seul grain. Nous avons entendu dire aussi que, dans ie pays des Noirs et dans celui des Turcs, il y a des enchanteurs qui obligent les nuages à verser leurs pluies sur tel en- droit qu'on veut.

Disons encore que la pratique de l'art talismanique nous a fait reconnaître les vertus merveilleuses des nombres amiables'^ (ou sympa- thiques). Ces nombres sont J; et Osj,, dont le premier est deax cent vingt et le second deux cent quatre-vingt-quatre^ . On les nomme amiables parce que les parties aliquotes de l'un, c'est-à-dire la moitié, le quart, ie sixième, le cinquième, etc. étant additionnées, donnent une somme égale à l'autre nombre*. Les personnes qui s'occupent des talismans

��' La description que notre auteur donne de ce procédé magique est faite dune manière très -confuse et paraît renfermer plusieurs termes techniques, propres à l'art. J'ai tâché de la rendre aussi littéralement que possible.

' Littéral. « qui s'entr'aiment. » ' On sait que les Arabes représentent quelquefois les nombres par des lettres de l'alphabet. Dans un de leurs systèmes,

��celui qu'on a suivi ici, la lettre ^ vaut aoo, (^ vaut 20, (_» 80 el 3 4-

  • Les parties aliquotes de 220 sont 1 10,

55, 44. 22, 20, 11, 10, 5, 4, 2 et 1. La somme de ces nombres est 284. Les parties aliquotes de 284 sont: i42, 7», 4, 2 et I. Ces nombres additionnés don- nent 220. Tbabet Ibn Corra fut le pre- mier qui signala cette propriété de certains nombres; Descartes en a parlé et Euler y

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