Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

342 PROLÉGOMÈNES

La langue des Arabes domiciliés et des habitants des villes est une langue particulière et sut generis, différente de la langue de Moder.

Le langage vulgaire de la conversation, celui qui s'emploie parmi les (Arabes) domiciliés dans les villes, n'est ni l'ancienne langue de P. 3o6. Moder ni celle de la génération actuelle (des Arabes bédouins). C'est une autre langue, spéciale, qui s'éloigne de Tidiome de Moder et de celui de la génération arabe de nos jours, et plus (que ce dernier) du langage de Moder.

Qu'elle soit une langue particulière et sni generis, c'est ce que dé- montrent évidemmentles différences (qui existent entre elle et l'idiome de Moder, différences) que les grammairiens regardent' comme des fautes. D'ailleurs, ce langage varie suivant les usages locaux^ des villes où on le parle : ainsi la langue des habitants des contrées orientales diffère en certaines choses de celle des habitants du Maghreb; il en est de même du langage des peuples de l'Espagne, à l'égard de celui des habitants de l'Orient et du Maghreb. Chacun de ces peuples parvient à exprimer dans son dialecte tout ce qu'il veut, et à énoncer claire- ment les pensées qu'il conçoit : or c'est là ce qu'on entend par langue et idiome. L'absence de la syntaxe désinentielle ne leur fait aucun tort, comme nous l'avons dit en parlant des Arabes (bédouins) de ce temps- ci. Quant à ce que (nous avons dit, que) ce langage s'éloigne encore plus de l'idiome primitif que celui des Arabes actuels, la raison en est que la dégénérescence d'une langue n'est due qu'à son mélange avec un idiome étranger : plus une nation a de relations avec l'étranger, plus sa langue s'éloigne de l'idiome primitif. En effet, la faculté de parler une langue ne s'obtient qu'en apprenant cette langue, ainsi que nous l'avons dit : or il s'agit ici d'une faculté mixte, qui se compose de la première faculté acquise par l'habitude et appartenant aux Arabes, jointe à une seconde faculté du même genre, appartenant à une nation étrangère. On doit donc s'éloigner de la première faculté ,

' Pour ^ iN»j, lisez cv** oju. — ' Lisez" (^lk.iUi-o! j.

�� �