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��PROLÉGOMÈNES

��Le poêle y parle du dépai't de cette femme pour le Maghreb avec sa famille :

'Le chérif Bou'l-Hîdja Ben Hachein ' a dit au sujet de son cœur qui, CQvalii

P. 363. (par la douleur), se plaignait de son inforlune; il s'empresse de faire savoir

par où son esprit est passé en poursuivant un jeune Bédouin qui a tourmenté

��elle mourut enfin, victime de sa passion. Encore aujourd'hui .dans la tribu de Hilal, on raconte an sujet de ces deux amants des histoires à faire oublier celles de Caïs et de Kotheiyer. On rapporte aussi nn grand nombre de vers attribués au cberîf et à sa femme. Bien que ces morceaux ne manquent pas de régularilé et de cadence, ainsi que de tournures, soit naturelles, soit artistiques, on y remarque des inter- polations, des altérations et des passages controuvés. Les règles de la syntaxe dési- nentielle y sont tout à fait négligées; mais nous avons dit dans nos Prolégomènes que l'absence des inflexions granimalicales n'in- flue nullement sur la juste expression de la pensée. 11 est vrai que les gens instruits, habitants des villes, n'aiment pas à en- tendre réciter de tels poèmes, parce que les désinences grammaticales y manquent; un tel défaut, selon leur idée, est radica- lement subversif de la précision et de la clarté; mais je ne suis pas de leur avis. Ces poèmes, avons-nous dit, renferment des interpolations nombreuses, et, dans l'absence de preuves qui pourraient mon- trer qu'ils nous ont été transmis fidèle- ment, on ne doit y mettre aucune con- fiance. 11 en serait bien autrement si nous avions la certitude de leur authenticité et l'assurance que la tradition orale les eût conservés dans leur intégrité primitive : alors on y trouverait des passages propres à confirmer l'histoire des guerres de celte tribu avec les Zenala , a déterminer les

��noms de ses chefs et à établir bien des cir- constances qui la regardent. Quant à nous, 11 nous e.st impossible d'admettre que le texte de ces poèmes se soit conservé intact: nous pensons même que tout esprit cultivé y reconnaîtra facilement des passages in- terpolés. Quoi qu'il en soit, les membres de la tribu de Hilal s'accordent, depuis plusieurs générations, à regarder comme vraie l'histoire du cherîf et d'El-Djay.ia; et quiconque serait assez hardi pour en con- tester l'authenticité, ou même exprimer des doutes, s'exposerait à être traité de fou et d'ignorant, tant cette tradition est générale chez eux. »

' Ce morceau est d'un style très-bar- bare; aussi les copistes ne le compre- naient-ils pas, et ils ont, en le transcrivant, altéré le texte presque partout. L'édition de Paris nous fournit un grand nombre de variantes , bien qu'elle ne reproduise pas toutes celles qui se trouvent dans les manuscrits C et D. La traduction turque offre un texte qui ne s'accorde pas toujours avec celui de l'édition de Paris, et donne aussi en marge une série de nouvelles va- riantes. Le texte de l'édition de Boulac a été retouché par un copiste qui, évidem- ment, n'entendait rien aux vers qu'il avait sous les yeux. Malgré l'extrême difficulté de ce morceau, dont presque chaque mot est douteux, je crois en avoir saisi le sens dans la plupart des cas. J'en donne ici la transcription en caractères romains afin de faire sentir la valeur et la position des

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