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Page:Ibsen - Les Revenants, La Maison de poupée, trad. Prozor, 1892.djvu/142

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THÉATRE

oswald, avec un pénible sourire. — Oui, que t’en semble ? Naturellement je l’assurai qu’il ne pouvait être question de rien de semblable dans mon cas. Crois-tu qu’il se soit rétracté ? Pas du tout, il maintint son dire ; et ce n’est qu’après que j’eusse pris tes lettres, dont je lui traduisis les passages où il était question de père…

madame alving. — Alors… ?

oswald. — Alors, il fut bien obligé de reconnaître qu’il avait fait fausse route. Et c’est ainsi que j’appris la vérité, l’incompréhensible vérité ! Cette bienheureuse existence de jeunesse, cette joyeuse camaraderie… j’aurais dû m’en abstenir. J’avais dépassé mes forces. Par ma propre faute, alors !

madame alving. — Oswald ! Mais non, ne crois pas cela !

oswald. — Il n’y avait pas d’autre explication possible, a-t-il dit. C’est là le plus affreux de tout. Irréparablement perdu pour toute ma vie par ma propre étourderie. Tout ce que j’aurais pu faire en ce monde, — ne pas même oser y songer ; ne pas pouvoir y songer ! Oh ! que ne puis-je revivre ! — faire que tout cela ne soit pas arrivé !

Il se laisse tomber, le visage contre le sofa.

madame alving, se tort les mains et arpente la scène dans une lutte muette avec elle-même.

oswald, après un instant, se soulevant à demi et