Page:Ibsen - Peer Gynt, trad. Prozor, 1899.djvu/122

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des pierres si tu manques de gîte. Veux-tu t’en construire un ? Abats des arbres, charge-les sur ton dos et les porte jusqu’à l’emplacement choisi. (Il laisse tomber sa cognée et regarde devant soi.) Une fière bâtisse tout de même ! Sur le toit se dressera une haute tour surmontée d’une girouette, et je sculpterai, au pignon, une sirène à grande queue. Portes et serrures seront ornées de cuivre. Il faut aussi que je me procure des vitres pour qu’on les voie briller de loin. (Avec un rire de dépit.) Encore un mensonge du diable ! Tu es mis au ban, mon gars ! (Il abat avec rage.) Après tout, une hutte recouverte d’écorce suffit pour garantir de la pluie et de la neige. (Levant les yeux et regardant l’arbre.) Le voici qui s’ébranle. Encore un coup de cognée. Bon ! il est à terre, étendu tout son long. Comme elles tremblent, les jeunes pousses qui l’entourent ! (Il se met à ébrancher l’arbre, puis, tout à coup, s’arrête, la hache en l’air.) Il y a quelqu’un derrière moi ! — Oh ! oh ! l’homme d’Hægstad ! tu veux me prendre en traître ! (Il se cache derrière l’arbre et regarde.) Non ! Ce n’est qu’un petit gars ! Il a peur et regarde sournoisement autour de lui. Que cache-t-il donc sous son tricot ? Une faucille. Il s’arrête, regarde encore un instant et pose sa main sur une poutre. Pourquoi ? Que va-t-il faire ? Brr ! Quelle horreur ! Il s’est coupé un doigt ! Oui, tout le doigt ! Il saigne comme un bœuf. Le voici qui prend la fuite, la main dans un vieux linge. (Se