Page:Ibsen - Peer Gynt, trad. Prozor, 1899.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
PEER GYNT

Aussi ne suis-je pas fâché, au fond, que tu n’aies rien sous le crâne. Avoir une âme, cela engage à se contempler soi-même. À ce propos, écoute-moi : si tu veux, je consens, ma foi, à te passer un anneau à la cheville. Cela vaudra mieux pour nous deux. Je te tiendrai lieu d’âme. D’ailleurs, rien ne sera changé. (Anitra ronfle.)

Quoi ? Elle dort ! Mes paroles auraient-elles glissé sur elle sans la toucher ? Non ! Tel est le pouvoir de mes discours amoureux qu’ils l’ont, comme un courant rapide, emportée au loin, jusqu’au pays des rêves.

(Il se lève et couvre de bijoux le sein d’Anitra.)

Voici des colliers ! En voici encore. Dors, Anitra, et pense à Peer !… Dors ! En dormant, tu as conquis une couronne impériale. Cette nuit, Peer Gynt a triomphé par la seule vertu de son moi.



(Le chemin des caravanes. L’oasis se perd dans le lointain.)

(Peer Gynt galope sur son cheval blanc, tenant Anitra devant lui.)

ANITRA

Lâche-moi ou je mords !

PEER GYNT

Petite folle !

ANITRA

Que veux-tu donc ?