Page:Ibsen - Une maison de poupée, trad. Albert Savine, 1906.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nora, qui sourit doucement.

Torvald suppose que je le suis encore. Mais (Elle la menace du doigt.) « Nora — Nora » n’est pas si folle que tu crois. Ah ! la vérité c’est que jusqu’ici je n’ai pas eu grand chose à gaspiller : il a fallu que nous travaillions tous les deux.

Madame Linde.

Toi aussi ?

Nora.

Oui, des bagatelles, des travaux à la main, du crochet, des broderies. (Elle change de ton.) Et encore autre chose. Tu sais que Torvald a quitté le ministère quand nous nous sommes mariés. Au bureau il n’y avait pas pour lui espoir d’avancement et il lui fallait gagner plus d’argent qu’avant. Mais la première année il fut surmené d’une manière terrible. Figure-toi, il lui fallait chercher toute espèce de travaux supplémentaires et être à la besogne du matin au soir. Il abusa de ses forces et tomba gravement malade, alors les médecins dirent qu’il fallait qu’il partît pour le Midi.

Madame Linde.

C’est vrai, vous avez passé un an en Italie.

Nora.

Oui, comme tu le devines, il n’était pas facile de se mettre en route. Ivar venait de naître. Mais il le fallait. Oh ! le voyage fut merveilleusement beau ! et il sauva la vie à Torvald ! Mais que d’argent cela nous a coûté !

Madame Linde.

Je m’en doute.

Nora.

Douze cents écus, quatre mille huit cents couronnes ! c’est une somme.

Madame Linde.

Oui, et on est heureux de l’avoir en pareille occasion.