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BRASSÉE DE FAITS

ai été élevée. Ce n’est qu’à dix-huit ans que j’ai connu des gens chics.

Vous dites qu’on ne le dirait pas que j’ai été purée ? Vous savez, on s’adapte vite au luxe et aux manières distinguées. J’ai attrapé le coup tout de suite.

Je suis d’une famille de purotins. On était quatre gosses, dont moi la troisième. Deux filles avant. Et un garçon, le dernier. Tous, à un an et demie d’intervalle. Le temps pour la mère de souffler et de se raccommoder un peu.

J’ai grandi là-haut, derrière les Buttes. Des fessées, il y en avait chez nous, comme s’il en pleuvait. La mère nous en collait autant qu’on en voulait. Et d’assez bonnes, oui ! Elle n’avait pas peur de nous abîmer. On était, toutes les trois, les filles, dures à mener, faut croire. Moi, cela ne me déplaisait pas, même toute môme, d’être bien claquée sur les fesses. Ma sœur Clara aussi, celle avant moi, aimait cela. Je sentais que cela me faisait du bien et quand, à dix ans déjà, je venais de recevoir ce qui peut s’appeler une bonne fessée, tout à fait soignée, abondante et serrée, je trouvais que j’allais mieux, comme si de la vie m’avait été infusée. À dix ans, il y a longtemps que je n’en pleurais plus, d’une fessée, si forte qu’elle fût. Je gigotais et c’était tout. Autant que maintenant, je gigotais : ce n’est pas une blague. De nous trois, c’est moi qui gigotais le mieux. Des quatre même, devrais-je dire, en comptant le garçon, le petit dernier, qui en avait sa part, comme de juste.

Maman, cela la faisait rire, des fois, et quand une voisine, par exemple la mère Émeri, était là à me regarder,