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CORRESPONDANCE

guère. Si vous êtes chasseur, vous comprendrez ma fièvre, une fièvre que je me gardais bien d’étendre en prenant des gages que mon élève n’eût point refusées. Chary était vierge. Elle était chaste, autant que j’en pouvais juger, mais elle mordait singulièrement aux histoires de flagellations. Je lui donnai à lire ****, un assez pauvre livre, puis ***** une œuvre colorée et violente, car Donnia m’avait repris Esclave amoureuse[ws 1]. Son vocabulaire s’enrichissait uniquement de mots délicieux. Elle devenait émouvante. Que de fois ai-je dû me contenir, pour ne point la fesser, sans autre forme de procès, quand elle détaillait, de sa voix grave et zézayante les cruelles flagellations infligées à une femme dans le roman de *****. Mais il fallait un prétexte. Je le trouvai dans mon enseignement.

Comme nous jouissions d’une entière liberté, toujours à cause du prestige, les leçons de français se prenaient chez moi, un asile inviolable pour mes hôtes !

Cher Monsieur Jacques d’Icy, que n’ai-je en main votre plume d’artiste pour conter ce qui suit !…

Le décor : une vaste chambre blanchie à la chaux, ornée de mes gravures familières et, dans un coin, l’iconostase. Des tapis de Caramanie, un lit de camp couvert d’un Bokkarah et, par les fenêtres ouvertes, le ciel pur et la mer irisée de l’Hellade. Nous étions au printemps. Un mangal garni de chardons rouges exhale une chaude haleine. Tout cela m’est aussi présent à la mémoire que le premier jour.

— Chary, avais-je dit à ma splendide amie, ton accent

  1. Note de Wikisource : voir sur Wikisource Esclave amoureuse, par Jean de Chancennes, Paris 1957, (l’édition originale date de 1913).