Page:Icy - Brassée de faits, 1926.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
LE COUP DE FOUDRE

elle est riante à son ordinaire et rien ne me fait deviner quoi que ce soit de particulier. Je la suis dans la chambre à coucher, tout au fond de l’appartement. Sa mère s’y tient de préférence pour travailler. Elle y a sa table à ouvrage.

Coquette comme toujours, dans une robe chemise prune d’intérieur, sans manches, qu’elle s’est réussie ces jours-ci, sur un patron par moi prêté, et qui l’écourte au ras du genou, elle est appétissante avec sa riche carnation, sa physionomie piquante et grave à la fois, ses yeux câlins et autoritaires tour à tour. J’ai du bonheur à embrasser ses joues fermes. Les premiers jours je lui trouvais la bouche trop rouge dans son visage si blanc, mais je m’y faisais : cela lui allait, de même que la dureté qu’elle avait facilement quand elle voulait, dans le regard, en me regardant, par moments. Grande comme moi, à un centimètre près. À l’époque, moi, sensiblement moins forte que maintenant, je pesais dans les cent dix. Pour ma grandeur, j’étais donc mince. Elle, sans être grosse, un peu massive, avec un torse magnifique respirant la vigueur et que portaient avec aisance ses belles hanches larges, mais larges sans excès. Des jambes superbes, la cheville un peu forte : voilà leur seul défaut, et encore, cela ne nuisait pas à leur ligne. Bordelaise, l’accent de son pays, gardé quelque peu, m’amusait. Je lui trouvais l’air d’une lutteuse. Le lui ayant dit, elle en riait, en roulant des yeux terribles, et, me montrant ses bras, ses mains, me disait de prendre garde, que « je verrais cela ».

Du reste, elle était d’une force incroyable pour une femme : je ne le savais pas encore.