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Page:Idylles de Théocrite et Odes anacréontiques.djvu/150

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Mais il n’en était pas moins beau, et sa colère excitait le désir de l’amant. Enfin, ce dernier ne put supporter cette grande ardeur de Kythéréia, et, venu devant cette demeure inexorable dont il baisa le seuil, il pleura et parla ainsi :

— Enfant farouche et dur, nourrisson d’une lionne féroce, enfant fait de marbre et indigne d’amour, je viens t’offrir mon dernier présent, ce lacet ! Je ne veux plus, enfant, te déplaire et t’irriter ; je vais où tu me condamnes à me rendre, là où est le Léthé, ce remède commun des maux de ceux qui aiment. Mais, dussé-je le boire tout entier, je n’éteindrais pas encore mon désir. Je ne viens à ta porte que pour te dire adieu.

Je connais l’avenir : la rose est belle, mais le temps la flétrit ; la violette printanière est belle, mais elle passe vite ; le lys est blanc, mais il se fane quand il est tombé ; la neige est blanche, mais elle fond après la gelée. La beauté de l’enfance est belle ainsi, mais elle dure peu ; et l’heure viendra où, toi aussi, tu aimeras, et où, le coeur consumé, tu pleureras des pleurs amers.

Enfant, fais du moins, une fois, la dernière !