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La veillée d’armes à Beauregard.


 
Dans la salle gothique et sombre du château,
Debout, superbement entouré de ses reîtres,
Le comte de Rarogne étreint le vieux drapeau
Qui porte dans ses plis le blason des ancêtres.

Pour cette heure d’adieu trop brève, il ne faut plus
D’amoureuses chansons aux lèvres du trouvère,
Mais le luth éclatant des scaldes chevelus
Et leur bardit où gronde un virelai de guerre.

Les lourds hanaps de bronze et les coupes d’argent
Tintent à la clarté vacillante des torches,
Et dans la cour, d’espace en espace, on entend
Les appels égrenés des veilleurs, sous les porches.

Ni le chuchotement du tremble au bord des eaux,
Ni le parfum des nuits voltigeant dans les prêles,
L’alpenglühn empourprant les neiges éternelles,
N’égalent en douceur le frisson des drapeaux.

Le sanglot du torrent aux flots ourlés d’écume
Se mêle au son du cor pleurant dans le vallon ;
Le couchant, brodé d’or et de flammes, allume
Les vitraux enchâssés dans leur treillis de plomb.