Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/56

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moi de vous donner un avis, qui, peut-être, ne vous sera pas inutile un jour. Miss Milner, on ne peut livrer son cœur sans s’exposer à plus de dangers et de peines que peut-être vous ne vous en êtes figuré jusqu’à présent. Un autre en est-il maître, dès-lors nos pensées, nos actions ne sont pas plus à nous que notre cœur. » Il semblait, en parlant ainsi, se faire violence à lui-même, et il s’arrêta comme ayant encore beaucoup plus à dire, si l’extrême délicatesse du sujet le lui avait permis.

Dès qu’il se fut retiré, et que miss Milner eut entendu fermer la porte sur lui, « comment, dit-elle avec une inquiète curiosité, comment se fait-il que les gens de bien aient des notions si justes sur les passions et les faiblesses des autres hommes ? À entendre M. Dorriforth et ses leçons de prudence, dirait-on qu’il ait passé sa vie dans la retraite et dans la méditation ? Ne s’exprime-t-il pas comme un homme qui aurait été pris à ses amorces enchanteresses, qui aurait connu le repentir ? Avec quelle exquise sensibilité il parle de l’amour ? Ne semble-t-il pas lui prêter de nouveaux charmes, au moment où il le représente comme si dangereux ? Non, je ne crois pas que milord Frédéric, avec ses plus brillantes peintures de l’amour et de ses plaisirs, puisse le rendre plus séduisant que le fait M. Dorriforth, en peignant les peines et les chagrins qui le suivent. En vérité, s’il me parle souvent de cette manière, il faudra certainement que j’aie pitié de lord Frédéric, et ce sera l’ouvrage de l’éloquence de mon tuteur. »

Miss Woodley ne put entendre la conclusion de ce discours sans la plus vive inquiétude, « Hélas ! dit-elle, penseriez-vous sérieusement à milord Frédéric ? »

— « Mais, en supposant que j’y pensasse, pourquoi cet hélas ! miss Woodley… ? »