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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/55

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— « Vous ne répondez point à mon observation ? »

— « Mais, mademoiselle, dit Dorriforth, en regardant même comme vrai ce que votre modestie vous a fait dire de vous-même, je ne vois pas que ce soit une raison pour rejeter sir Edward ; car, dans un cas tel que le sien, où le cœur est fortement engagé, ce n’est pas la raison que l’on consulte. »

— « Fort bien, M. Dorriforth, on ne peut mieux justifier sir Edward ; mais si jamais mon cœur s’engage aussi, vous me permettrez de me servir à mon tour de la même excuse. »

— « Mais, répliqua-t-il vivement, avant que votre cœur se donne, vous vous servirez de votre raison. »

— « Oui, et dès ce moment j’en fais usage, en refusant d’épouser un homme que je ne pourrai jamais aimer. »

— « Jamais ? miss Milner : à moins que votre cœur ne soit plus à donner, comment pouvez-vous parler avec cette assurance ? »

En disant ces mots, il songeait à milord Frédéric, et il fixa sa pupille, comme pour lire dans son ame (non sans trembler d’avance de ce que, peut-être, il allait y trouver) : miss Milner rougit ; Dorriforth sentit redoubler ses craintes, et il allait porter son jugement, quand, pour le prévenir, elle se hâta de répondre d’une voix libre et ferme, qui rassura Dorriforth, avant même qu’elle eût achevé de parler :

— « Non, je n’ai point donné mon cœur, mais je crois pouvoir dire hardiment que sir Edward n’en occupera jamais la moindre partie. »

— « Je plains sir Edward, et j’en suis fâché pour vous-même ; mais puisque vos affections ne sont point engagées (et il parut charmé qu’elles ne le fussent point), permettez-