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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/295

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ne me donnent raison. J’aurais bien aimé te voir ici, avec ta fillette. Dans ce beau château, au sein du foyer, nous eussions renoué tous les sentiments de vieille et bonne amitié qui a pu, par ma faute, être distraite, mais jamais trahie.

Il faut tout te dire. Je suis toujours heureux par ma bonne femme, la plus excellente et la plus respectée des femmes. Mon intérieur fait mon unique bonheur. Casanier par goût, je vois peu le monde, surtout celui-ci. Je ne vais dans le grand monde que par devoir, quelquefois. C’est ce qui adoucit les sentiments de ma vie, aussi mélancolique qu’irritée. Je jouis de l’inappréciable bonheur d’être à l’école composée, je puis dire, d’anges dans les personnes des « pensionnaires » pleins d’estime pour leur directeur. J’ai toute leur confiance en tout. Il parait que mon Directorat sera, disent-ils, célèbre parmi les passés et futurs.

Il est vrai que je m’occupe de leur bien-être et de la gloire de leurs succès, et aussi de la restauration presque entière de ce palais et de ses jardins. Ce lieu est devenu un enchantement. Le Ministre lui-même me donne des marques honorables de son approbation. Cette mission accomplie, j’aurai la conscience d’avoir illustré ma vie, de ce côté. Mais à quel prix ? Et à qui la faute ? Si ce n’est à ceux qui m’ont laissé venir six ans trop tôt, les uns par ignorance, les autres par perfidie. Cependant je leur garde rancune : ils me feront reprendre, peut-être bientôt, des pinceaux importuns comme des furies vengeresses. Tu vois cher ami,