Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/100

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gère débauche du cœur. Avec elle s’évanouit l’illusion amoureuse qui avait répandu sur le lieu de sa réclusion un charme temporaire ; il retombe dans son isolement, rendu maintenant dix fois plus intolérable par ce rayon furtif de la beauté qu’il ne peut atteindre. Accablé de tristesse, tout le long du jour il gémit sur son malheureux sort, et quand le soir approche, que Phœbus, suivant sa belle expression, « a fait ses adieux à chaque feuille, à chaque fleur », il est encore à la fenêtre ; posant sa tête sur la pierre glacée, il laisse couler à la fois de ses lèvres l’amour et la douleur, jusqu’à ce que, graduellement bercé par la mélancolie muette de l’heure crépusculaire, il se perde, « à demi dormant, à demi évanoui », dans une vision qui remplit le reste du poëme, et dans laquelle se trouve allégoriquement et confusément retracée l’histoire de ses amours.

Quand il sort de cette extase, il abandonne son oreiller de pierre, et se promenant à pas lents dans sa chambre, plein d’amères réflexions, il demande à son esprit où il a erré ; si vraiment tout ce qu’un rêve a fait passer devant son imagination fut évoqué par un événement réel, ou si c’est une vision envoyée pour le réconforter et le tirer de son abattement. Dans ce dernier cas, il demande qu’il lui vienne un gage pour lui confirmer ce pronostic apporté par le sommeil, cette promesse de jours plus heureux. Tout à coup une tourterelle d’une blancheur éblouissante s’en vient en volant frapper à la fenêtre et s’abattre sur sa main, portant à son bec une branche de giroflée rouge, sur les feuilles de laquelle est écrite en lettres d’or la phrase suivante :

 
Allons, debout ! Bel amoureux, approche ;
Tu peux chanter, mon message joyeux.
Réjouis-toi, ta guérison est proche,
Car je l’ai vue écrite dans les cieux.


Il reçoit la branche avec un mélange d’espérance et de crainte, il la lit avec ravissement ; et ce fut, dit-il, le premier gage de son bonheur futur. Mais n’est-ce qu’une fiction poétique, ou lady Jane lui envoya-t-elle réellement une marque de bon vouloir d’une manière aussi romanesque, c’est ce qui sera déterminé sui-