Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tite scène de poésie et d’amour, avoir retenu cette fois sa main qui désole. Plusieurs siècles se sont écoulés, le jardin fleurit encore au pied de la tour. Il occupe ce qui fut autrefois le fossé du donjon ; et bien que certaines parties en aient été distraites par des murs de séparation, d’autres cependant ont encore leurs berceaux, leurs promenades ombragées, comme au temps du roi Jacques, et le tout est abrité, florissant et solitaire. Il est, autour des lieux qu’ont foulés les pas de la beauté évanouie, consacrés les inspirations du poëte, un charme indélébile et qu’en fuyant les siècles font plus grand au lieu de l’altérer. C’est, en effet, le propre de la poésie de sanctifier tous les lieux où elle se meut ; de respirer autour de la nature des senteurs plus exquises que le parfum de la rose, et de laisser tomber sur elle des teintes plus magiques que les rougeurs du matin.

D’autres pourront s’appesantir sur les grandes actions de Jacques comme guerrier et comme législateur ; moi, je me suis plu à ne voir en lui que le compagnon de ses semblables, le bienfaiteur du cœur humain, descendant de sa sphère élevée pour semer les douces fleurs de la musique et de la poésie dans les sentiers de la vie commune. Il fut le premier qui cultiva l’arbre vigoureux et fier du génie écossais, qui depuis a produit tant de fruits délicieux. Emportant avec lui dans les régions sévères du nord tous les arts fécondants de la civilisation méridionale, il fit tout ce qui dépendait de lui pour gagner ses concitoyens aux arts joyeux, élégants et délicats, qui assouplissent, épurent le caractère d’un peuple, et tressent une guirlande de grâces autour de la majesté d’un esprit orgueilleux et martial. Il écrivit nombre de poëmes qui sont maintenant perdus pour le monde, et pour sa gloire, malheureusement incomplète ; cependant il en est un que l’on possède encore, intitulé : « La verdoyante église du Christ », et qui montre quel soin il avait pris de se rendre familiers les plaisirs et les passe-temps rustiques, qui constituent une source si riche de bons rapports et de sympathie mutuelle parmi les paysans écossais ; avec quelle simple et quelle heureuse humeur il prenait part à leurs joies. Il contribua beaucoup au progrès de la musique nationale ; et il existe, dit-on, des traces de ses sentiments délicats, de son goût élégant, dans ces airs enchanteurs qui se jouent encore sur la mu-