ments. Les chevaux eux-mêmes rongeaient leur frein, arquaient leur cou et regardaient plus orgueilleusement que des chevaux ordinaires ; soit qu’ils eussent pris un peu des sentiments de la famille, soit qu’on serrât les rênes un peu plus fort que d’habitude.
Je ne pus m’empêcher d’admirer la façon dont ce pompeux équipage fut amené jusqu’à l’entrée du cimetière. L’effet produit au tournant de l’angle du mur fut immense : — un grand claquement de fouet, les chevaux qui s’efforcent et qui grimpent, les harnais qui brillent, et les roues qui jettent des étincelles en labourant le gravier. Ce fut un moment d’orgueilleuse gloire et de triomphe pour le cocher. Les chevaux, tour à tour poussés et retenus, écumaient de fureur. Comme ils se cabraient, leurs pieds enfonçaient et lançaient tout autour des cailloux à chaque pas. Le gros de villageois qui d’un pas lent et paisible se dirigeait vers l’église s’ouvrit précipitamment en se rangeant à droite et à gauche ; dans leur admiration stupide, ils ouvraient des bouches démesurées. Quand on atteignit l’entrée les chevaux furent repris avec une promptitude qui les fit arrêter court et les rejeta presque sur les hanches.
Alors ce fut au laquais à descendre en toute hâte pour baisser le marche-pied, ouvrir la portière, et tout préparer pour la descente à terre de cette auguste famille. Le vieux bourgeois fut le premier à présenter à la portière sa grosse figure rougeaude, regardant autour de lui de l’air superbe d’un roi du change, d’un homme habitué à trôner à la Bourse. Sa compagne, une avenante, très-grasse, très-confortable dame, le suivit. L’orgueil, je dois l’avouer, ne paraissait pas entrer pour beaucoup dans sa composition. C’était la peinture des grosses, des honnêtes, des vulgaires jouissances. Le monde ne lui était pas difficile et elle aimait le monde. Elle avait de belles robes, une belle maison, une belle voiture, de beaux enfants, tout ce qui l’entourait était beau ; ce n’était que promenades en voiture, que visites, que festins : la vie, pour elle, était une fête perpétuelle, c’était un jour d’installation de lord-maire qui ne finissait pas.
Deux filles succédèrent à cet heureux couple. Certainement elles étaient jolies, mais elles avaient un air impérieux qui glaçait l’admiration et disposait le spectateur à la critique. Dans