leur toilette, elles étaient ultra-fashionables ; et bien que personne ne pût nier la richesse de leur parure, cependant on pouvait douter qu’elle fût parfaitement en harmonie avec la simplicité d’une église de campagne. Elles descendirent de voiture d’un air hautain, et remontèrent le cordon de paysans d’un pas qui semblait dédaigneux du sol qu’elles foulaient. Elles jetèrent autour d’elles un regard de reconnaissance qui passa froidement sur les bonnes figures des paysans, jusqu’à ce qu’elles rencontrassent les yeux de la famille du gentilhomme ; alors leurs visages s’éclairèrent tout à coup sous des sourires : alors elles firent les plus élégants, les plus profonds saluts, lesquels leur furent rendus d’une façon qui indiquait que ce n’étaient que de très-légères connaissances.
Je ne dois pas oublier les deux fils de cet ambitieux bourgeois, qui vinrent à l’église dans un cabriolet retentissant précédé de valets à cheval. Il était impossible que leurs vêtements fussent plus à la mode, mais ils avaient cette pédanterie du costume qui décèle l’homme dont les prétentions au bon goût sont très-discutables. Ils restèrent entièrement à l’écart, jetant un regard oblique sur tous ceux qui s’approchaient d’eux, comme s’ils eussent mesuré leurs titres à l’estime ; mais ils n’avaient pas de conversation et ne faisaient qu’échanger de loin en loin quelques phrases à la mode. Leurs mouvements mêmes étaient artificiels, car leur corps, docile au caprice du jour, avait été façonné à l’absence de toute liberté, de toute aisance. L’art avait juré d’en faire des hommes à la mode accomplis, mais la nature leur avait refusé cette grâce qui n’a pas de nom. Ils étaient vulgairement construits, comme des hommes formés pour les fins triviales de la vie, et ils avaient cet air impérieux et arrogant qui ne se voit jamais dans un véritable gentilhomme.
J’ai peut-être été jusqu’à la minutie en traçant les portraits de ces deux familles ; mais je les considérais comme des échantillons de ce qui se rencontre souvent dans ce pays — la grandeur sans prétention et la petitesse arrogante. Je n’ai nul respect pour le rang et les titres à moins qu’ils ne marchent de front avec la véritable noblesse, celle de l’âme ; mais j’ai remarqué que dans tous les pays où il existe des distinctions artificielles, ce sont précisément les classes les plus élevées qui sont toujours les plus af-