Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/130

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jour n’est tout au plus qu’un crépuscule passable. La salle était divisée en cabinets, dont chacun contenait une table que recouvrait une nappe d’une blancheur éblouissante. — Tout était prêt pour le dîner, ce qui prouvait que les hôtes étaient de la bonne vieille école et qu’ils partageaient le jour également, car il était à peine une heure. Plus bas, au fond de la chambre, était un joyeux feu de charbon, devant lequel rôtissait une poitrine d’agneau. Une rangée de brillants chandeliers de cuivre et de pots d’étain étincelait le long du manteau de la cheminée, et l’horloge antique faisait tic tac dans un coin. Il y avait dans ce mélange de cuisine, de salon, de salle à manger, quelque chose de primitif qui me reportait dans le passé, qui me plaisait. L’endroit était humble, c’est vrai, mais tout avait cet air d’ordre et de propreté qui fait deviner la surintendance d’une soigneuse ménagère anglaise. Un groupe d’êtres au regard amphibie, qui pouvaient être des pêcheurs ou des matelots, se régalait dans une des cases. Comme j’étais un visiteur de bien plus haute volée, je fus introduit dans une petite chambre de derrière, mal faite, ayant au moins neuf coins. Elle était éclairée au moyen d’un abat-jour, garnie de sièges de cuir antiques, ornée du portrait d’un cochon gras, et était évidemment réservée pour certains consommateurs privilégiés. J’y trouvai un gentleman à trogne fleurie, au chapeau de toile cirée, paraissant assez gueux, qui méditait, assis dans un coin, sur un pot de porter à moitié vide.

Le vieux sacristain avait pris l’hôtesse à part, et, d’un air de profonde importance, lui avait communiqué mon message. Dame Honeyball était une aimable, grassouillette, remuante petite femme, et pas trop indigne d’occuper la place de ce parangon des hôtesses, dame Quickly. Elle parut enchantée d’avoir une occasion d’obliger. Montant précipitamment l’escalier, elle courut aux archives de sa maison, où les vases précieux du comité de la paroisse étaient déposés, et nous les rapporta dans ses mains avec des sourires et des révérences.

Le premier qu’elle me présenta était une boîte à tabac en fer, vernie à la laque de Chine, et d’une taille gigantesque, dont, me fut-il dit, l’assemblée de paroissiens avait, depuis un temps immémorial, fumé lors de ses réunions périodiques ; qu’on ne permettait jamais à des mains vulgaires de profaner ; dont on n’usait