Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/185

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Une mélancolie particulière s’étend sur l’aile où Marie repose ensevelie. Il faut que la lumière lutte et se salisse pour passer au travers des fenêtres, assombries par la poussière. Là plus grande partie de l’emplacement est dans une profonde obscurité ; les murs ont subi le double outrage des ans et de l’intempérie des saisons. Une figure en marbre de Marie est étendue sur la tombe ; tout autour est une balustrade de fer très-rouillée, portant son emblème national — le chardon. Ma promenade m’avait fatigué ; je m’assis, pour me reposer, auprès du monument, roulant dans mon esprit la bigarrée, la tragique histoire de cette pauvre Marie.

Les rares bruits de pas avaient cessé de se faire entendre dans l’abbaye. Je pouvais seulement, par intervalles, distinguer la voix éloignée du prêtre qui récitait le service du soir, et les répons timides du chœur. Puis il se fit une pause, et tout rentra dans le silence. Le morne repos et l’obscurité qui se répandaient graduellement tout autour communiquaient à ces lieux un charme plus profond et plus solennel : —


Le cercueil est muet ; pas de doux entretien,
Jamais d’épanchement, pas de voix amoureuse ;
Ni les soins paternels, ni l’amitié joyeuse.
Ici c’est le néant ; vous ne trouverez rien,
Rien, excepté l’oubli, la nuit, de la poussière.


Soudain les notes de l’orgue à la voix puissante frappent l’oreille de leurs éclats ; elles tombent avec une double, une quadruple intensité, et roulent, pour ainsi dire, le son par vagues énormes. Comme leur volume et leur grandeur s’harmonisent bien avec ce majestueux édifice ! Avec quelle pompe elles se déploient le long de ses vastes voûtes, respirant leur imposante harmonie le long de ces cavernes de la mort, et donnant une voix au silence des tombeaux ! — Et maintenant elles s’élèvent comme un cri de triomphe, faisant monter leurs accords à jets pressés, en tassant harmonie sur harmonie. — Et maintenant elles s’arrêtent, et les douces voix du chœur débordent en frais ruisseaux de mélodie ; elles prennent un audacieux essor, gazouillent le long de la toiture, et semblent se jouer autour de ces voûtes su-