Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierre, qui faisaient l’arc et se projetaient sous le lierre qui les recouvrait, entre le feuillage duquel les petits carreaux de verre, qu’on eût pris pour des diamants, étincelaient sous la lune. Le reste de la maison était dans le goût français du temps de Charles II, ayant été réparé, modifié, à ce que me dit mon ami, par un de ses ancêtres, qui revint avec ce monarque à la Restauration. Le terrain qui s’étendait autour de la maison était disposé d’après le système gourmé d’autrefois : parterres artificiels, arbustes taillés, terrasses surélevées, lourdes balustrades de pierre ; et décoré d’urnes, avec une ou deux statues de plomb et un jet d’eau. J’appris que le vieux gentilhomme était extrêmement soigneux de maintenir ce luxe expiré dans son état primitif. Il admirait ce mode de disposition des jardins ; cela avait un air de magnificence, était élégant et noble, et convenait au bon vieux style de famille. L’imitation si vantée de la nature dans les jardins modernes avait pris naissance avec les idées républicaines modernes, mais ne s’accordait pas avec un gouvernement monarchique : elle sentait son système du nivellement. — Je ne pus m’empêcher de sourire de cette introduction de la politique à propos de jardins, tout en exprimant quelque crainte de trouver le vieux gentilhomme assez intolérant en fait d’opinion. — Frank m’assura cependant que c’était presque la seule fois qu’il eût jamais entendu son père se mêler de politique, et il était persuadé qu’il tenait cette idée d’un membre du Parlement qui avait à certaine époque passé quelques semaines avec lui, le Squire accueillant avec bonheur tous les moyens possibles de défendre ses ifs taillés et ses terrasses régulières, qu’avaient de temps à autre attaqués des arrangeurs de jardins modernes.

Comme nous approchions de la maison, nous entendîmes un bruit de musique, et de temps à autre un éclat de rire, lesquels partaient d’une extrémité du bâtiment. Cela devait, me dit Bracebridge, venir de l’office, où de grandes réjouissances étaient autorisées et même encouragées par le Squire pendant les douze jours de Noël, pourvu que toute chose se passât conformément aux anciens usages. Là se maintenaient dans toute leur pureté les antiques jeux du colin-maillard, de la jument sauvage, de la main chaude, de l’escamotage, de la pomme suspendue, du snap-dragonn; la bûche de Noël et la chandelle de Noël étaient brûlées