Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/248

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coloré, le plus beau trophée dont eût pu se vanter une rafale de décembre. Il était suivi de la pensionnaire aux yeux bleus, accommodée en « dame Rissole », dans toute la vénérable magnificence d’une robe de brocart fanée, d’un grand corsage lacé, d’un chapeau délabré et de souliers à talons élevés. Le jeune officier représentait Robin Hood avec un habit de chasse vert de Kendal et un bonnet de police surmonté d’un gland d’or.

Le costume, bien certainement, ne témoignait pas d’une profonde recherche, et il y avait là un sacrifice évident au pittoresque, bien naturel dans un jeune amoureux en présence de sa maîtresse. La belle Julia se suspendait à son bras dans une jolie parure champêtre, comme « pucelle Marianne ». Le reste de la bande avait été métamorphosé de diverses façons ; les jeunes filles empaquetées dans les ajustements des anciennes belles de la famille Bracebridge, et les jouvenceaux, ornés de moustaches faites avec des bouchons brûlés et portant d’un air grave des habits à larges basques, aux manches pendantes, avec d’immenses perruques, devant représenter les personnages de Roastbeef, Plum Pudding et autres dignitaires fameux dans les anciennes mascarades. Le tout avait été placé sous la surveillance de l’étudiant d’Oxford, dans le caractère bien approprié du Tapage ; et je remarquai qu’il exerçait avec sa baguette une autorité tant soit peu malicieuse sur les personnages moins considérables du cortége.

L’irruption de cette foule bigarrée, au bruit du tambour, selon l’ancienne coutume, était le couronnement du vacarme et des réjouissances. Maître Simon se couvrit de gloire par la majesté avec laquelle, comme antique Noël, il marcha un menuet avec l’incomparable bien que rieuse dame Rissole. Celui-ci fut suivi d’une danse à laquelle prirent part tous les caractères, et qui, par le mélange de costumes qu’elle présentait, pouvait faire croire que les vieux portraits de famille avaient sauté en bas de leurs cadres pour s’associer à la fête. Différents siècles figuraient dans les mains en travers, la droite et la gauche ; les siècles reculés taillaient des pirouettes et des rigodons, et les jours de la reine Bess dansaient joyeusement la gigue dans le milieu, bousculant toute une enfilée de générations subséquentes.

Le digne Squire contemplait ces jeux fantastiques et cette ré-