Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/249

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surrection de sa vieille garde-robe avec la joie naïve d’un enfant. La taille haute, il riait à gorge déployée, se frottant les mains, entendant à peine un mot de ce que lui disait le ministre, bien que ce dernier fût en train de discourir fort savamment sur l’ancienne et majestueuse danse du Paon, dont il croyait le menuet dérivé[1]. Pour ma part, les scènes variées de caprice et d’innocente gaieté qui passaient devant mes yeux me tenaient dans une continuelle excitation. Cela me réchauffait de voir cette généreuse et tant soit peu folle hospitalité se dégager du milieu du froid et de la tristesse de l’hiver, et la vieillesse dépouiller son apathie, ressaisir une fois encore la fraîcheur des jouissances juvéniles. L’intérêt que je prenais à cette scène s’augmentait encore quand je venais à considérer que ces coutumes fugitives marchaient à grand pas vers l’oubli, que cette famille était peut-être la seule en Angleterre où l’ensemble en fût encore scrupuleusement observé. Et puis il y avait je ne sais quelle étrangeté mêlée à toutes ces réjouissances qui leur donnait un cachet particulier ; elles s’appropriaient au temps et au lieu ; et le vieux manoir, chancelant presque sous l’allégresse et les accents bachiques, semblait être l’écho redisant la gaieté d’une époque depuis longtemps disparue[2].

Mais assez parlé de Noël et de ses folies ; il est temps de mettre un terme à ce bavardage. Il me semble entendre les questions posées par mes graves lecteurs : « A quoi bon tout ceci ? — Est-ce que cela rendra le monde plus sage ? » Eh ! mon Dieu, n’y a-t-il pas assez de sagesse pour l’instruction du monde ? Et si non, n’y a-t-il pas des milliers de plumes beaucoup plus exercées travaillant à son perfectionnement ! — D’ailleurs, il est

  1. Sir John Hawkins, parlant de la danse appelée pavane, de pavo, paon, dit : « C’est une danse grave et majestueuse ; on la dansait autrefois, les gentilshommes avec leurs chapeaux et leurs épées, ceux de la longue robe dans leurs robes, les pairs dans leurs manteaux, et les dames dans leurs robes à longues queues, dont le mouvement, en dansant, ressemblait à celui d’un paon. » — Histoire de la Musique.
  2. À l’époque où cet article fut publié pour la première fois, ce tableau d’une fête de Noël à l’antique, aux champs, fut déclaré par quelques-uns un anachronisme. L’auteur a depuis eu l’occasion de voir défiler devant lui presque toutes les coutumes ci-dessus décrites, avec une vigueur insoupçonnée, sur les confins du Derbyshire et du Yorkshire, où il passa les fêtes de Noël. Il y est revenu dans le récit qu’il a donné de son excursion à l’Abbaye de Newstead.