Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/290

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tume des plus respectables. Des chiens de chasse et des épagneuls se mêlent au groupe de famille ; un faucon est campé sur son perchoir au premier plan, et l’un des enfants tient un arc : — le tout pour qu’on sache que le chevalier était expert à la chasse à courre, à la chasse au faucon, et dans l’art de tirer de l’arc — talents alors indispensables à un parfait gentilhomme[1].

Je fus fâché de voir que l’ancien ameublement de la grand-salle avait disparu, car j’avais espéré retrouver le fauteuil majestueux en chêne sculpté dans lequel le gentilhomme campagnard d’autrefois avait coutume de brandir le sceptre du commandement au-dessus de ses domaines rustiques, et sur lequel on pouvait présumer que le redouté sir Thomas était assis, trônant dans un imposant appareil, lorsque le coupable Shakspeare fut amené devant lui. Comme j’aime à tracer des tableaux pour ma satisfaction personnelle, je me complus dans l’idée que cette même salle avait été le théâtre du sinistre interrogatoire du poëte le matin du jour qui suivit son emprisonnement dans la maison du garde. Je me figurai le rustique potentat entouré de sa garde du corps, composée du sommelier, des pages et des varlets en habits bleus, avec leurs plaques. Le malheureux prévenu, désespéré, consterné, sous la surveillance des gardes-chasse, piqueurs et lanceurs, suivi d’une bande grossière de rustres de l’endroit, était amené devant lui. Je m’imaginais voir les figurés épanouies de servantes curieuses poindre aux portes demi-closes, tandis que de la galerie les jolies filles du chevalier se penchaient gracieusement en avant, et jetaient sur le jeune prisonnier des yeux

  1. L’évêque Earle, parlant d’un gentilhomme campagnard de son temps, remarque : « Il met surtout son luxe dans les différentes familles de chiens et les valets préposés à leurs chenils, et la profondeur de leur gosier fait le fond de sa conversation. Il répute un faucon le véritable cachet de la noblesse, et aspire excessivement à paraître enthousiasmé de ce divertissement, de voir son poing ganté de ses attaches. » Et Gilpin, dans le portrait qu’il trace d’un sieur Hastings, remarque : « Il entretenait toutes sortes de chiens de chasse, qui couraient le chevreuil, le renard, le lièvre, la loutre et le blaireau, et avait des faucons de toute espèce, tant à vol bas qu’à vol élevé. Sa grande salle était ordinairement jonchée d’os à moelle, et pleine de perchoirs à faucons, de chiens de chasse, d’épagneuls et de bassets. Sur un large foyer, pavé en brique, étaient couchés quelques-uns des meilleurs bassets, chiens de chasse et épagneuls. »