on lui reprochait son manque de foi vis-à-vis des blancs, d’avoir dit bien haut qu’il ne livrerait jamais un Wampanoag, pas seulement la rognure de l’ongle d’un Wampanoag, et sa menace de brûler tout vifs les Anglais dans leurs maisons, il dédaigna de se justifier, répondant d’une façon hautaine que d’autres étaient autant portés pour la guerre que lui-même, « et qu’il désirait n’en pas entendre davantage sur ce sujet. »
Cette noblesse et cette fermeté, cette fidélité si vraie à sa cause et à son ami, auraient peut-être touché le cœur de généreux et des braves ; mais Canonchet était un Indien, un de ces êtres pour qui la guerre n’avait point de courtoisie, l’humanité point de loi, la religion point de pitié : — il fut condamné à mort. Les dernières paroles qu’on rapporte de lui ne démentent point la grandeur de son âme. lorsque fut rendue la sentence, il déclara « qu’il en était content, car il mourrait avant que son cœur se fût amolli ou qu’il eût dit quelque chose d’indigne de lui ». Ses ennemis lui donnèrent la mort d’un soldat ; — il fut passé par les armes à Stoningham par trois jeunes Sachems de son rang.
La défaite éprouvée dans la forteresse de Narrhaganset et la mort de Canonchet portèrent un coup fatal à la fortune du roi Philippe. Il essaya d’allumer une guerre formidable, en excitant les Mohawks à prendre les armes, mais il échoua dans son entreprise : bien que doué des talents naturels d’un homme d’État, ses ruses étaient déjouées par l’habileté supérieure de ses ennemis civilisés, et la terreur inspirée par leur science guerrière commençait à dompter la résolution des tribus voisines. Ce malheureux prince voyait sa puissance diminuer tous les jours, et les rangs s’éclaircir d’une manière effrayante autour de lui. Les uns étaient gagnés par les blancs ; d’autres succombaient à la faim, aux fatigues, aux fréquentes attaques dont on les harassait. Ses munitions furent toutes capturées ; ses amis intimes furent balayés et disparurent de devant ses yeux ; son oncle tomba frappé à son côté ; sa sœur fut emmenée en captivité ; et dans l’une de ses miraculeuses évasions il fut obligé d’abandonner son fils unique et sa femme bien-aimés à la merci de l’ennemi. « Sa ruine, dit l’historien, traînant ainsi en longueur, sa détresse n’en fut pas amoindrie, mais au contraire s’en accrut, puisqu’on lui faisait connaître la sensation et le sentiment pratique de la capti-