Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

perchent sur toutes les girouettes ; et l’on voit dans tous les coins de la maison de vieux rats à tête grise qui sortent audacieusement de leurs trous, et y rentrent, en plein jour. Bref, John a un tel respect pour tout ce qui est resté longtemps dans la famille, qu’il ne veut même pas entendre parler de réformer des abus, ces abus étant de bons vieux abus de famille.

Toutes ces bizarreries et ces habitudes ont déplorablement concouru à mettre à sec la bourse du vieux gentilhomme ; et comme il se pique de ponctualité en matière d’argent, et désire conserver son crédit dans le voisinage, il s’est trouvé fort embarrassé pour remplir ses engagements. Cet embarras s’est encore accru par suite des altercations, des scènes qui se produisent continuellement dans sa famille. Ses enfants ont embrassé différentes carrières ; ils ont des manières de voir différentes ; et comme on leur a toujours permis d’exprimer franchement leur opinion, ils ne faillent pas à exercer très-bruyamment ce privilège dans le présent état de ses affaires. Les uns se font les champions de l’honneur de la famille, et sont d’avis que l’antique habitation doit être entretenue dans toute sa splendeur, quoi qu’il en puisse coûter ; les autres, plus prudents et plus judicieux, supplient le vieux gentleman de retrancher un peu de ses dépenses et de mettre tout son système d’organisation domestique sur un pied plus modeste. Il a, c’est vrai, parfois semblé d’humeur à prêter l’oreille à leurs avis, mais leur conseil salutaire a complètement été mis en déroute par l’impétueuse conduite de l’un de ses enfants. Celui-ci est un garçon bruyant, un écervelé, de mœurs assez basses, qui néglige ses affaires pour fréquenter les tavernes, — est l’orateur des clubs de village, et l’oracle suprême parmi les plus pauvres fermiers de son père. Il n’entend pas plutôt quelqu’un de ses frères parler de réforme ou de diminution de dépense qu’il prend aussitôt la balle au bond, leur enlève les paroles de la bouche, et demande à grands cris un bouleversement général. Sa langue une fois partie, rien ne peut l’arrêter. Il ne cesse d’arpenter la chambre, tempête, querelle le vieillard sur ses habitudes dissipatrices, tourne en ridicule ses goûts et ses idées, insiste pour qu’il mette les vieux serviteurs à la porte, donne aux chiens de chasse les chevaux hors de service, envoie promener le gras chapelain et prenne à