giques plaisirs de la vie, comme nous sympathisons avec Milton, ouvert à toutes les beautés de la nature, à toutes les gloires de l’art, quand il soupire ses courtes mais profondément tristes lamentations sur sa cécité perpétuelle.
Si Jacques ne se distinguait par l’absence des artifices poétiques, nous aurions, à la rigueur, pu soupçonner que ces sombres retours sur lui-même avaient pour but de préparer à la scène la plus brillante de son histoire, et de contraster avec cet envahissement soudain de la lumière et de la beauté, ce délicieux accompagnement des oiseaux et des chants, du feuillage et des fleurs, avec toutes ces joies de l’année qui servent d’introductrices à la dame de ses pensées. C’est, en particulier, cette scène qui jette tout le magique éclat de la poésie sur le vieux donjon du château. Il s’était levé, dit-il, au point du jour, suivant sa coutume, pour échapper aux tristes méditations de l’oreiller que fuit le sommeil. « Se lamentant ainsi dans sa chambre solitaire », désespérant du bonheur et de l’espérance, « fatigué de penser, accablé de chagrin », il s’était languissamment approché de la fenêtre, pour jouir de ce misérable plaisir du captif qui consiste à dévorer des yeux le monde dont il est exclu. La fenêtre donnait sur un petit jardin s’étendant au pied de la tour. C’était un lieu bien calme, bien abrité, orné de berceaux et d’allées vertes, protégé contre l’œil du passant par des arbres et des haies d’aubépine.
Là s’étendait, près du mur de la tour,
Jardin charmant que l’aubépine enserre.
Quatre berceaux, gardiens de ce séjour,
De leurs massifs exilant la lumière,
Veillaient de loin sur la frêle barrière.
Partout régnait un air mystérieux,
Qui se jouait du passant curieux.
Dans chaque allée un amas de feuillage
Se suspendait, magnifique hallier ;
Et des bosquets épaississant l’ombrage,
Le verdoyant et doux genévrier
Poussait un jet si vigoureux, altier,
Qu’il paraissait abriter sous son aile,
De ses rameaux, les flancs de la tonnelle.