Page:Isaac Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome1.djvu/43

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qu’elle doit être abſolument uniforme & homogène dans toute ſon étendue ; car la variété des formes eſt directement oppoſée à la néceſſité de l’éxiſtence : elle ſera auſſi par la même raiſon immobile ; car ſi elle ſe meut nécessairement vers un certain point de l’étendue, avec une certaine viteſſe déterminée ; par une égale néceſſité elle ſera auſſi en mouvement vers un autre point de l’étendue avec une viteſſe différente ; mais il eſt évident qu’elle ne peut ſe mouvoir en même-tems vers différents lieux & avec des viteſſes différentes ; elle eſt donc néceſſairement immobile. Donc il n’a pas pu réſulter de cette matière un monde auſſi beau & auſſi admirable que le nôtre, par la variété des formes & des mouvemens ; cet ouvrage ne peut donc être qu’un effet de la volonté ſouverainement libre d’un Dieu qui prévoit tout & qui gouverne tout.

C’eſt là qu’il faut chercher la ſource & l’origine de toutes ces loix que nous appellons loix de la nature, dans leſquelles on retrouve à chaque inſtant les marques ſenſibles d’une intelligence infinie, ſans jamais y découvrir le moindre trait qui puiſſe nous les faire regarder comme néceſſaires. Se flatter de pouvoir découvrir les principes d’une vraie phyſique & les loix de la nature par la ſeule force de ſon génie, en fermant les yeux ſur tout ce qui nous environne, pour ne conſulter que la lumiére d’une raiſon intérieure ; c’eſt établir que le monde exiſte néceſſairement, & que les loix dont il s’agit ſont des ſuites immédiates de cette néceſſité : ou ſi l’on eſt perſuadé que cet Univers eſt l’ouvrage d’un Dieu ; c’eſt avoir aſſez d’orgueil pour imaginer qu’un être auſſi petit, auſſi foible que l’homme, connoît néanmoins avec évidence ce que Dieu pouvoit faire de mieux. Toute Philoſophie ſaine & véritable eſt uniquement appuyée ſur les phénomenes. Si les mêmes phénomenes nous conduiſent de gré ou de force à des principes dans leſquels on voit briller évidemment l’intelligence & le pouvoir abſolu d’un Etre ſouverainement ſage & puiſſant ; ce n’eſt pas une raiſon de les rejetter, parce qu’ils déplairont à quelques particuliers ; que ce ſoit pour ces gens-là des miracles ou des qualités occultes, on ne doit point leur imputer les noms que la malice peut leur donner ; à moins qu’on ne veuille nous avouer tout ſimplement que la philoſophie doit être fondée ſur l’Athéiſme ; mais il ne faut pas altérer & corrompre la Philoſophie pour des hommes de cette eſpéce ; l’ordre de la nature doit être auſſi ſacré qu’il eſt immuable.

Les gens de bien & les juges équitables dans cette matiére regarderont certainement comme la plus excellente maniére de traiter la Philoſophie, celle qui eſt fondée ſur les expériences & les obſervations. Nous ne pouvons expoſer ici la gloire & l’éclat que cette nouvelle Philoſophie reçoit de l’excellent Ouvrage de notre illuſtre