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Page:Isaac Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome1.djvu/44

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Auteur. Rien de plus juſte que le reſpectueux étonnement avec lequel ceux qui ont approfondi ces matiéres ne ceſſent d’admirer la force & la grandeur de cet heureux génie occupé à réſoudre les problèmes les plus difficiles, & ſi ſupérieur à tout ce que l’on pouvoit attendre de l’eſprit humain : il a, pour ainſi dire, déchiré le voile de la nature pour nous en découvrir les plus admirables myſtères : il a mis ſous nos yeux une expoſition ſi élégante du ſyſtême de l’univers, un enſemble ſi beau & ſi parfait, qu’Alphonſe[1] lui-même n’auroit plus rien à déſirer ni pour l’harmonie, ni pour la ſimplicité, ſi ce prince vivoit encore. Nous pouvons maintenant contempler de plus près la majeſté de la nature, jouir plus que jamais d’un ſpectacle ſi doux ; adorer & ſervir avec plus d’ardeur le Maître & le Créateur de toutes choſes, & c’eſt là le plus grand avantage que l’on puiſſe retirer de la Philoſophie. Il faut être aveugle pour ne pas voir dans le meilleur & le plus ſage de tous les ouvrages, la ſageſſe & la bonté infinie de celui qui en eſt l’auteur ; mais c’eſt le comble de la folie que de ne vouloir pas le reconnoître.

Ce grand Ouvrage de M. Newton ſera donc un ſolide rempart que les impies & les athées ne pourront jamais renverſer ; c’eſt là qu’il faut chercher des armes ſi l’on veut les combattre avec ſuccès. Il y a déjà longtems que cette importante vérité a été reconnue, par un illuſtre Profeſſeur du Collége de la Trinité, M. Richard Bentley, qui fait à la fois la gloire de ſon ſiécle & l’ornement de notre Académie. Ce grand homme auſſi recommandable par une vaſte érudition que par la protection qu’il accorde à tous les Savants, eſt auſſi le premier qui l’ait démontré avec autant de force que d’élégance dans ſes diſcours académiques, ſi univerſellement eſtimés, & qui ont été publiés en latin & en anglois. Je me fais un plaiſir de réconnoître ici combien je lui ſuis redevable à toutes ſortes d’égards, & je ne doute point que le Lecteur ne ſoit pareillement diſpofé à lui payer le tribut de l’eſtime due à ſon ſçavoir & à ſon mérite. Lié depuis long-temps d’une maniére intime avec notre illuſtre Auteur ; & d’ailleurs auſſi ſenſible à cette gloire qu’à celle qu’il reçoit de ſes ouvrages, qui font les délices de toutes les perſonnes lettrées, il a fçu rendre un ſervice également important au nom de ſon ami & au progrès des fciences. Les exemplaires de la

  1. Alphonſe roi de Caſtille vivoit vers le milieu du XIII ſiécle : il donna des ſommes prodigieuſes pour faire conſtruire de nouvelles tables aſtronomiques. On rapporte de lui un trait ſingulier qui revient à cet article. Lorſque les Aſtronomes qu’il avoit choiſis pour faire cet Ouvrage lui préſentèrent leur ſyſtême, qui ſe trouvoit embarraſſé d’une infinité de cercles qu’ils avoient cru nécceſſaires pour expliquer les différents mouvements des aſtres : Si Dieu, dit ce Prince, m’eut conſulté lorſqu’il créa l’Univers, tout auroit été dans un ordre meilleur & plus ſimple : Ironie adroite qui part moins d’un principe d’impiété, que d’un génie naturellement connoiſſeur, qui ſe doutoit bien que le méchaniſme de l’Univers devoit être beaucoup plus ſimple que celui qu’on lui propoſoit.