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DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE.

SCHOLIE.

On peut rendre la démonſtration de cette Propoſition plus lenſible, par le raiſonnement ſuivant. Si pluſieurs Lunes faiſoient leurs révolutions autour de la terre, ainſi que dans le ſyſtême de Jupiter ou de Saturne, leurs temps périodiques, par l’induction, ſuivroient la loi découverte par Kepler, & par conſéquent leurs forces centripétes (Prop. i. de ce Livre) ſeroient réciproquement comme les quarrés de leurs diſtances au centre de la terre. Et ſi celle de ces Lunes qui ſeroit la plus proche de la terre étoit petite, & qu’elle touchât preſque le ſommet des plus hautes montagnes : la force centripéte, par laquelle cette Lune ſeroit retenue dans ſon orbite, ſeroit, ſuivant le calcul précédent, à peu près égale à celle des corps graves placés ſur le ſommet de ces montagnes. Enſorte que ſi cette même petite Lune étoit privée de tout le mouvement par lequel elle avance dans ſon orbe, & qu’elle n’eût plus par conſéquent de force centrifuge, elle deſcendroit vers la terre avec la même vîteſſe que les corps graves placés au ſommet de ces montagnes tombent vers la terre, & cela à cauſe de l’égalité qui ſeroit entre la gravité & la force qui agiroit alors ſur cette petite Lune. Or ſi la force par laquelle cette petite Lune deſcend étoit autre que la gravité, & que cependant elle peſât ſur la terre comme les corps graves placés au ſommet de ces montagnes, cette petite Lune devroit par ces deux forces réunies deſcendre deux fois plus vîte. Donc, puiſque ces deux forces, c’eſt-à-dire, celles des corps graves & celles de ces petites Lunes, ſont dirigées vers le centre de la terre, & qu’elles ſont égales & ſemblables entr’elles, ces forces ſont les mêmes & par conſéquent elles doivent avoir (Regles 1 & 2.) une même cauſe. Donc la force, qui retient la Lune dans ſon orbite, eſt celle-là même que nous appelions gravité : puiſque ſans cela cette petite Lune n’auroit point de gravité au ſommet de cette montagne, ou bien elle tomberoit deux fois plus vîte que les graves.