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Il prit une grosse clef d’argent qui était l’insigne de ses fonctions, et ouvrit la vieille armoire de chêne où étaient enfermés les règlements et les chartes de la ville, et qu’on n’avait plus ouverte depuis des centaines d’années. Hélas ! il n’y avait plus rien dans cette armoire, car les rats avaient mangé depuis longtemps toutes ces vieilles paperasses qu’on ne consultait jamais. Tout le monde se regardait d’un air inquiet, quand le bourgmestre déclara :

— Je me souviens avoir ouï dire par mon arrière-grand-père, que j’ai connu étant tout petit, que lorsqu’il fallait prendre une décision grave, tous les habitants adultes de la ville se réunissaient pour voter.

Les bourgeois se regardèrent d’un air plus inquiet encore, car ils ne savaient pas ce que signifiait le mot « voter ». Le bourgmestre le leur expliqua, et tous les bourgeois se regardèrent d’un air satisfait, très orgueilleux d’avoir à remplir une besogne si extraordinaire. Mais quelqu’un demanda soudain :

— Les femmes sont-elles comprises par ces mots : « habitants adultes », et doivent-elles voter comme les hommes ?

Alors, tous les bourgeois se regardèrent d’un air embarrassé, car ils n’avaient pas d’avis là-dessus, et le bourgmestre les regardait d’un air plus embarrassé encore, car il ne se souvenait pas d’avoir entendu parler de cela par son arrière-grand-père. Enfin, le gros Tulpke, que sa femme avait grondé la veille parce qu’il avait brisé le pot de fleurs qui était à la fenêtre, le gros Tulpke s’écria d’un ton plein de rancune :

— À mon avis, les femmes ne doivent pas voter, parce qu’elles ne savent pas elles-mêmes ce qu’elles veulent !

Les bourgeois se regardèrent d’un air interloqué,