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car ils pensaient en eux-mêmes qu’ils n’étaient pas bien sûrs de cela. Mais le petit Schneck, un orgueilleux fieffé qui fumait toujours des pipes plus longues que celles des autres, déclara à son tour :

— Je pense que Tulpke a raison, parce que si l’on dit : « Les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent », ça prouve que les hommes le savent mieux qu’elles.

Là-dessus, les bourgeois se regardèrent d’un air tout épanoui, et ils s’écrièrent :

— Tulpke a raison : les femmes ne doivent pas voter !

— Mes chers amis, ajouta le bourgmestre, on votera ici, demain à cinq heures. Je vous prie d’être tous exacts au rendez-vous.

Puis les bourgeois rallumèrent leurs pipes et se remirent à jouer aux dominos, en buvant de grands verres de bière et de petits verres de schiedam. Mais le grand Willhem, dont le fils aîné était amoureux fou de la petite Mieke, ne se remit pas à jouer. Il allait chuchotant de table en table, et tous les bourgeois lui répondaient :

— Soyez tranquille, maître Willhem, nous ne permettrons pas à cette petite folle de courir après un étranger, qui ne peut certainement valoir un habitant de Tschwytz.

* * *

Comment la petite Mieke apprit-elle aussitôt ce que les bourgeois venaient de décider, et même ce qu’ils chuchotaient à voix si basse ? On n’en a jamais rien su. Mais cela n’a rien d’étonnant, car personne n’ignore que les mauvaises nouvelles sont toujours celles qu’on apprend le plus vite. Mieke eut un très gros chagrin, et se mit à pleurer à fendre l’âme. Puis elle s’en courut, toujours pleurant et se lamen-