La Canne
C’était une très belle canne. Elle avait une crosse en or, et était d’un bois si rare, que le marchand lui-même en ignorait le nom. Le petit vicomte ne l’avait pas payée moins de quinze louis.
Liline d’Ajonc, sa maîtresse, déclara :
— Tu as l’air idiot, avec cette canne.
— Vraiment ? Quand je l’ai achetée, tu la trouvais très jolie.
— Je te dis qu’elle te donne l’air idiot. Ce n’est pas une canne d’homme du monde, elle est trop voyante, c’est une canne de scène, pour un acteur. Demande plutôt à Merlouis, qui est du métier.
— Il est de fait que ce n’est même pas une canne de jeune premier, mais plutôt de comique jeune, opina Merlouis, qui joue précisément les comiques jeunes.
— Tu vois, reprit Liline. Et puis, c’est bien simple, je te défends de porter cette horreur quand tu sortiras avec moi. Fais-en ce que tu voudras, fiche-la par la fenêtre, ou donne-la à un camarade qui n’a pas une fortune aussi dégoûtante que la tienne. Mais je ne veux plus te voir avec ça dans les mains.
Le petit vicomte eut une brillante inspiration.
— Mon cher ami, dit-il à Merlouis, puisque Liline me défend de porter cette canne, et qu’elle ne con-