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vient que pour le théâtre, faites-moi le plaisir de l’accepter.

— J’ veux bien, répondit l’autre avec une noble simplicité.

Il faut vous dire que Merlouis est l’amant de Liline d’Ajonc, tout comme le petit vicomte, quoique plus discrètement ; et qu’ayant envie depuis la veille de posséder cette canne, il n’avait pas cru devoir cacher son désir à Liline.

Le soir même, le comique jeune était dans sa loge, en train de se maquiller pour le deux, quand Chichette vint lui conter, en pleurant, qu’elle avait le plus grand besoin de trois louis, et ne savait où en trouver le premier sou. Chichette a été jadis la maîtresse de Merlouis, et elle l’est encore par-ci par-là. Or, ce brave garçon a le cœur sur la main et ne peut voir pleurer les femmes.

— Attends-moi là, dit-il, je reviens.

Il prit sa belle canne et alla la vendre à Jartès, le jeune premier, qui lui en donna cinq louis.

Par un hasard qui ne surprendra pas trop ceux qui connaissent Liline d’Ajonc, Jartès est aussi, par-ci par-là, l’amant de cette jolie femme. Mais c’est beaucoup moins connu que pour les deux autres, car il doit prendre des précautions à cause de la grande Lolotte, qui est jalouse au point de le battre comme plâtre chaque fois qu’elle soupçonne une infidélité.

Mais ce soir-là, comme tous les mercredis, Lolotte était allée voir sa vieille tante à Rouen, une vieille tante dont on parle beaucoup au théâtre, parce que chacun sait qu’elle commande un régiment d’infanterie. C’est pourquoi le petit vicomte, ayant par mégarde soufflé la fumée de sa cigarette au nez de Mouche, le chien de Liline d’Ajonc, eut à subir une