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convulsée vers la blancheur douteuse des draps. Puis elle s’abattit sur l’oreiller, dans un grand « ah ! » de terreur et de dégoût ; et elle se mit à pleurer, avec de longs sanglots à fendre l’âme, en geignant d’une voix faible et désespérée :

— C’est trop fort !… C’est trop fort !

À ce moment même, il sentit au bras un vague chatouillement, une légère piqûre, et releva sa manche. Un minuscule grain de beauté, qu’il ne se connaissait pas à cette place, s’évanouit soudain, reparut un instant sur la blancheur de la chemise, puis disparut de nouveau.

La chambre était infestée de puces.

Elle continuait à geindre, la tête cachée dans le bras, gauche replié, se grattant avec frénésie de la main droite, frottant son pauvre petit corps aux draps rugueux, et répétant sans fin, comme une plainte de petit enfant qui a du bobo :

— C’est trop fort !… C’est trop fort !…

Lui, debout au milieu de la chambre, à moitié dévêtu, ridicule, s’envoyait de grandes claques par tout le corps, livré à la grotesque pantomine du monsieur qui se collette avec le néant, puis essaie de se regarder dans le dos. Et les piqûres se multipliaient, irritantes, agaçantes, mettant à bout leur nervosité déjà exaspérée.

Alors, bien entendu, chacun d’eux s’en prit de sa malechance à celui qu’il avait sous la main, c’est-à-dire à l’autre.

— Vous avez eu du flair, de m’amener ici ! gémit-elle entre deux plaintes.

Il bondit, indigné, et répliqua d’une voix furibonde :

— C’est ça ! c’est ça ! Dites que c’est ma faute ! Partis en si bonne voie, deux êtres irrités, furieux.