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ment à témoin de l’authenticité de cette collection unique au monde les cheveux blancs de sa mère, la croix d’honneur de son père, et tout ce qu’il put imaginer de plus vénérable.

— Nous arrivons, dit-il, comme on entrait dans une vieille rue étroite et sombre.

Gobseck, qui n’avait pas encore soufflé mot, l’empoigna par le bras.

— Dans cette rue ? demanda-t-il.

— Dans cette rue même.

— Au numéro 67, troisième étage, seconde porte à gauche ?

— Je… oui… parfaitement…

— Chez une vieille dame qui a un bandeau sur l’œil et qui exhale une vague odeur de rhum ?

— En effet, j’ai cru remarquer… C’est une demoiselle de très grande famille, qui a éprouvé des revers de fortune, et elle cherche…

— Et c’est à moi que vous voulez vendre ces tableaux ? À moi ?

Le vieux marchand semblait être sous le coup d’une indignation incompréhensible, mais si véhémente que Joseph, qui ne s’épate pas aisément, ne trouva rien à répondre.

— Vous ne me les vendrez pas, monsieur ! reprit Gobseck.

— Soit, monsieur ! Tant pis pour vous, je les vendrai à un autre.

— Je vous en défie, monsieur !

— Et pourquoi donc, monsieur ?

— Pourquoi, monsieur ! Parce que ces tableaux sont à moi, monsieur, et que je cherche à les vendre depuis vingt ans, sans y être jamais parvenu, malgré les stratagèmes les plus ingénieux !